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3 août 2022

Comment gérer et prévenir la violence et la maltraitance en psychiatrie ? [QualityRights]

Comment gérer et prévenir la violence et la maltraitance en psychiatrie

Extrait du module “Mettre fin à la contrainte, la violence et la maltraitance” de la formation en ligne WHO QualityRights. Cette formation accessible et gratuite est proposée par l’Organisation mondiale de la santé.

Comment gérer et prévenir la coercition, la violence et les abus ?

Les situations tendues résultent généralement de problèmes de communication et de malentendus. Elles surviennent souvent lorsque les personnes usagères des services ont l’impression de ne pas être écoutées et qu’elles s’énervent, s’angoissent ou s’agitent. Si elles ne sont pas gérées de manière appropriée, les situations tendues peuvent déboucher sur une crise, ce qui peut conduire au recours à la contention et à la violence.

I. Réponses appropriées et inappropriées aux situations tendues

En cas de situation tendue, il est important de :

  • Penser à la sécurité de toutes les personnes présentes (par exemple, demandez aux personnes dont la présence n’est pas nécessaire de quitter la pièce).
  • Intervenir rapidement pour éviter que la situation ne dégénère en crise.

Voici des exemples de réponses appropriées et inappropriées.

Réponses appropriées et efficacesRéponses inappropriées et inefficaces
– Traiter la personne concernée avec respect et empathie
– Écouter ses préoccupations et ses souhaits
– Essayer de comprendre ce qu’elle ressent et reconnaître ses sentiments
– Lui demander comment elle souhaite être soutenue/traitée
– Être patient, soutenir et rassurer
– Donner à la personne de l’espace et du temps
– Garder son calme
– Trouver une solution non violente à un problème
– Isolement et contention
– Cris
– Menaces et intimidation
– Manipulation forcée

*** IMPORTANT ***
Les réactions ci-dessus peuvent renforcer le sentiment d’impuissance et de détresse des personnes, accentuant leur ressentiment ou agitation. Elles sont donc préjudiciables et peuvent rapidement conduire une situation vers la violence.

II. Déclencheurs et signes d’alerte

Pour éviter qu’une situation tendue ne dégénère en crise, il est important d’identifier les éléments déclencheurs et les signes d’alerte des personnes usagères des services, ainsi que ceux du personnel, des familles et d’autres personnes. Voici des exemples de déclencheurs et de signes d’alerte.

Déclencheurs (c’est-à-dire stimuli)Signes d’alerte (c’est-à-dire signes physiques ou extérieurs)
– J’ai l’impression de ne pas être écouté
– Les gens me manquent de respect
– D’autres personnes utilisent mes affaires sans permission
– Bruits forts
– Être touché
– Ne pas avoir le choix, ne pas pouvoir contrôler ou participer
– Nervosité, agitation, stimulation
– Essoufflement ou respiration rapide
– Transpiration
– Dents serrées, mains qui se tordent
– Repli sur soi, peur, irritation
– Contact visuel prolongé
– Augmentation du volume de la parole
– Agressivité ou menaces de préjudice

Une fois que les déclencheurs et les signes d’alerte ont été identifiés, il est possible de mettre en place des stratégies clés pour éviter et désamorcer les crises potentielles. Cela inclut :

  • Espaces d’apaisement et approches sensorielles
  • Création d’une culture du « oui » et du « c’est possible »
  • Plans individualisés permettant d’identifier et de gérer les déclencheurs et les signes d’alerte
  • Techniques de communication
  • Équipes d’intervention

III. Espaces d’apaisement et approches sensorielles

Les espaces d’apaisement offrent un environnement dans lequel les personnes usagères des services peuvent avoir un peu d’espace, se sentir en sécurité et se calmer. Elles sont souvent utilisées en complément des approches sensorielles, qui consistent à stimuler les différents sens (toucher, ouïe, odorat, vue et goût) pour aider une personne à se sentir plus calme. Parmi les exemples, citons la musique, les massages, les couvertures douces, les couleurs apaisantes et l’aromathérapie, mais cela peut varier selon les préférences des personnes.

Les espaces d’apaisement et les approches sensorielles ne doivent être utilisés qu’avec le consentement éclairé de la personne. Les espaces d’apaisement ne doivent pas être utilisés comme un lieu d’isolement involontaire. Les personnes usagères des services ne doivent jamais être enfermées ou empêchées de quitter l’espace.

IV. Création d’une culture du « oui » et du « c’est possible »

Lors de leur admission, les personnes usagères des services s’en remettent aux membres du personnel. Cette perte de contrôle et cette dépendance à l’égard du personnel peuvent provoquer détresse, anxiété et frustration. Cela est particulièrement vrai lorsque les membres du personnel ne répondent pas aux besoins des personnes usagères des services, en raison d’une lourde charge de travail, d’une pénurie de personnel, d’une formation insuffisante, de la réglementation des services ou d’autres raisons.

Une stratégie clé consiste à créer une culture du « oui » et du « c’est possible » au sein du service. Avant d’asséner un « non » automatique aux demandes des usagers, les membres du personnel doivent d’abord REFLECT (RÉFLÉCHIR) à la demande.

R – Reframe (Recadrage) : Qu’est-ce qu’il faudrait pour que je dise oui ?
E – Easy (Facile) :Le « non » est-il la solution de facilité ?
F – Feeling (Sentiment) :Que ressentirait la personne si je disais « non » ?
L – Listen (Écoute) :Ai-je vraiment écouté la personne et ce qu’elle demande ?
E – Explain (Expliquer) :Puis-je expliquer à la personne pourquoi je ne suis pas en mesure de répondre à sa demande ?
C – Creative (Créatif) :Existe-t-il des moyens créatifs que je pourrais utiliser pour essayer de trouver une réponse à la demande de la personne ?
T – Time (Temps) :Est-ce que j’octroie suffisamment de temps pour examiner la demande ?
Source : Adapté de Manaan Kar Ray & Sarah Rae. ‘No Audit: Reflect to Reframe’ in Power to empower Lies beyond Binaries. PROMISE: PROactive Management of Integrated Services & Environments. Cambridge University Health Partners http://www.promise.global/2015_04_09_Binary.pdf

Voici une autre question importante à laquelle les membres du personnel doivent réfléchir : puis-je octroyer des ressources aux personnes usagères des services pour leur éviter d’avoir à formuler cette demande et leur permettre d’être plus autonomes ?

V. Plans individualisés

Les plans individualisés peuvent permettre de mieux comprendre ce qui rend une personne angoissée ou agitée et ce qui l’aide à se sentir calme.

Pour élaborer un tel plan, une personne doit :

  • Identifier les déclencheurs et les signes d’alerte qui pourraient potentiellement mener à une situation tendue.
  • Décrire les méthodes d’apaisement convenues qui peuvent être utilisées pour gérer et empêcher l’escalade d’une situation tendue.

Les exemples de méthodes d’apaisement varient largement d’une personne à l’autre mais peuvent inclure :

  • Faire une promenade/prendre l’air
  • Se confronter à une personne qui reconnaît les sentiments
  • Prendre des respirations lentes et profondes
  • Serrer une balle ou une couverture
  • Être capable de crier ou de pleurer
  • Passer du temps dans un espace d’apaisement
  • Parler à un ami ou à un membre de la famille

Un plan individualisé peut être un document autonome ou faire partie d’un plan de rétablissement global ou de directives anticipées en psychiatrie. Les plans individualisés doivent être accessibles lors de situations tendues (par exemple, sur le registre du service, sur le registre en ligne…). Si une personne a élaboré un plan individualisé, elle doit informer toutes les personnes concernées de son existence afin qu’elles puissent l’aider à mettre en oeuvre les stratégies d’apaisement identifiées.

Les professionnels de la santé mentale et autres praticiens, les familles et les aidants doivent également élaborer leurs propres plans individualisés. Ils sont également susceptibles d’avoir des déclencheurs qui peuvent affecter leur comportement dans des situations difficiles. Il est donc important pour les usagers d’identifier les méthodes d’apaisement qui fonctionnent pour eux.

VI. Techniques de communication

De bonnes capacités de communication sont essentielles pour gérer les situations tendues et difficiles. La communication doit être :

RespectueuseTraiter toutes les personnes impliquées dans la situation avec respect et dignité.
AttentiveConsacrer toute son attention à la personne (c’est-à-dire écoute active).
AffirméeSoutenir et encourager la capacité de la personne à trouver des moyens de se calmer et de résoudre la situation.
PositiveEncourager la personne à se concentrer sur les aspects positifs de la situation.
EmpathiqueFaire des efforts pour comprendre les pensées et les sentiments de toutes les personnes concernées.
PatientePrendre tout le temps nécessaire pour entendre les préoccupations de la personne et parvenir à une solution juste et pacifique.

Voici des exemples de phrases ayant été identifiées comme utiles par certains usagers de services en Nouvelle-Zélande – elles ne seront pas utiles pour tout le monde :

  • Vous pouvez compter sur moi.
  • Vous n’avez rien à prouver à personne.
  • Je sais que vous allez vous en sortir.
  • Concentrez-vous toujours sur le souvenir de vos réalisations… et pas seulement de vos problèmes.
  • Comment puis-je vous aider ?
  • Dites-moi ce que vous voulez/ce dont vous avez besoin.
  • Je suis là pour écouter.
  • Je respecte votre point de vue.
  • Nous pouvons travailler à cela ensemble.
  • Il est normal de ressentir cela.
  • N’abandonnez pas.

Source : Adapté de Mary Ellen Copeland, Mental Health Recovery Newsletter, février 2002, cité dans Roadmap to Seclusion and Restraint Free Mental Health Services. DHHS Pub. No. (SMA) 05-4055. Rockville, MD: Center for Mental Health Services, Substance Abuse and Mental Health Services Administration, 2005, Module 5 pp. 43-44.

L’écoute active constitue un aspect essentiel d’une bonne communication. En accordant toute votre attention à votre interlocuteur, vous êtes en mesure de mieux comprendre ses pensées et ses sentiments. Il ne s’agit pas d’être d’accord ou non avec l’interlocuteur, mais de répéter avec vos propres mots ce que vous pensez qu’il a dit afin de vous assurer que vous l’avez compris (et ainsi éviter les malentendus).

Lorsque les personnes usagères des services ont le sentiment d’être écoutées, elles sont plus enclines à s’ouvrir, ce qui permet de résoudre pacifiquement la situation. Voici un exemple vidéo.

Vidéo : Comprendre l’agitation : Désescalade

Source : Depression and Bipolar Support Alliance

VII. Équipes d’intervention

Une équipe d’intervention (EI) est un groupe de personnes chargées, au sein d’un service, de répondre à une crise dans un court laps de temps. Elle est formée pour gérer les crises en utilisant des techniques de communication et de désescalade.

L’intervention d’une EI se concentre sur le développement d’une relation non intrusive, non contrôlante, non conflictuelle et hautement empathique avec la personne en crise. Elle n’utilise PAS l’isolement, la contention, la médication forcée, les sédatifs ou les tranquillisants. Lorsqu’ils sont disponibles, les membres de l’EI accèdent aux plans individualisés, aux plans d’anticipation et/ou de rétablissement pour répondre à la volonté et aux préférences de la personne.

Les membres de l’EI peuvent être des praticiens de la santé mentale et autres, des personnes en situation de handicaps psychosociaux, intellectuels ou cognitifs, des pairs, des défenseurs de la communauté, des membres de la famille, etc. En outre, il peut y avoir des « membres de garde » pouvant être contactés en fonction des besoins.

Une fois la crise résolue, des séances de débriefing doivent être organisées :

  • Avec la personne concernée (lorsqu’elle se sent prête) : pour mieux comprendre ce qu’elle a vécu, la façon dont l’EI a géré la situation, et pour élaborer ou revoir son plan individualisé.
  • Avec d’autres personnes (membres de la famille, soignants et autres aidants) : pour identifier ce qui a conduit à la montée des tensions et comment mieux gérer la situation à l’avenir.
  • Avec les membres de l’EI : pour parler de ce qui a fonctionné, de ce qui n’a pas fonctionné et des moyens de s’améliorer.

Il est toutefois important de noter qu’une intervention de l’EI n’est nécessaire que dans certaines situations ; lorsque les autres stratégies ne sont pas appropriées ou n’ont pas fonctionné. Dans de nombreux cas, les personnes usagères des services ont simplement besoin de temps et d’espace pour surmonter leur détresse, par elles-mêmes ou avec le soutien d’autres personnes.

Vous pouvez suivre la formation en ligne ici.

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