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9 juillet 2017

Je préfère croire en mon histoire

schiz'osent écrire

Retrouvez chaque dimanche un nouveau texte de Françoise.

Le diagnostic est posé : schizophrénie dysthymique ! Plus de 10 ans après les premiers symptômes !…

C’est à la naissance de ma fille, que tout à commencé réellement. Trop de bonheur d’un coup, je présume. Donner la Vie, mettre au monde. Ca a quelque chose de Divin !…

Beaucoup d’émotions à gérer, à canaliser. Pour moi, ce fut le début d’un long rêve éveillé.

Je suis restée presque trois semaines sans dormir ! Hospitalisée d’Office par le SAMU, j’ai du passer sept jours au CHD de Thonon-les- Bains. Toute une équipe de psychologues et de psychiatres s’est mobilisée autour de moi. On m’a donné des médicaments. Et c’est peu de temps après que j’ai terriblement souffert d’impatiences. Cette sensation unique et horrible, je n’ai pas su la décrire. Je ne soupçonnais même pas que ça puisse être un des effets secondaires du traitement. Alors, très vite, tout a basculé. Je ne supportais plus du tout ces sensations. Et puis, j’ai du croire que cette idylle, cette nouvelle vie de Maman, ne me correspondait plus. Je n’y arrivais pas… Je me suis sentie si mal que l’idée du pire s’est imposée à moi. Mettre fin à mes jours ! C’est ce que j’ai tenté de faire, à plusieurs reprises… Jusqu’à aller vraiment trop loin et cette fois ci, être internée en psychiatrie. Trois semaines.

L’enfer sur terre ! Je crois simplement que j’avais perdu la foi en ce qui m’animait vraiment jusque là…

J’ai toujours été intriguée par le Sens de la Vie. Pourquoi sommes-nous là ? A quoi rime tout cela ? On naît, on vit et on meurt, je n’y crois pas ! Je suis persuadée qu’il y a autre chose.

Quelque chose que le commun des mortels est amené à découvrir s’il se pose les bonnes questions, aux bons moments.

Seulement, il ne faut pas faire de faux pas.

Les miens sont sortis du terrain.

Je crois secrètement que je n’ai pas respecté certaines règles fondamentales et que c’est ce qui a causé ma perte. C’est pour moi le manque de sommeil qui a été à l’origine de cette terrible histoire qui fut la mienne. Voilà ce que je crois au plus profond de moi-même…

On me dit schizophrène.

Moi, je me dis souvent que j’ai défié la nature et qu’en ne dormant pas, j’ai eu accès à une autre réalité. C’est mon jardin secret. Ne pas croire à la folie pour pouvoir continuer à vivre. C’est ça qui m’aide.

Je suis peut-être dans le déni, la non-acceptation de ma maladie. Mais je préfère croire en mon histoire !

C’est à l’âge de quinze ans, que je vis le premier épisode de cette épopée. J’étais en première Littéraire et j’ai découvert la philosophie. Pour moi, tout part de là. S’interroger sur des sujets fondamentaux. Avancer avec l’idée qu’il peut y avoir d’autres vérités. Ça m’a interpellé !

Durant toute une semaine, j’ai vécu dans ma réalité. Celle de la négation du temps qui passe. J’ai perdu la notion de toutes choses. Je vivais au rythme de ce qui m’animait. Je ne mangeais que lorsque j’en avais envie et je ne dormais pour ainsi dire plus du tout. Plus rien ne me faisait peur. Je me sentais protégée, libre de toutes craintes.

Mais j’étais sans doute trop décalée, hors de la réalité. Mon entourage s’est beaucoup inquiété. Mes parents me croyaient sous l’emprise d’une drogue. Il n’en était rien. Je goûtais juste à une vie nouvelle. Une histoire m’était contée. J’étais au centre d’un scénario dont je ne connais toujours pas la fin…

Parce que, très vite, j’ai dû reprendre mes esprits. Cette vie n’était pas compatible avec le monde qui nous entoure.

Mais, j’ai grandi avec l’idée qu’à l’instar des chats, nous avons plusieurs existences sur terre.

Plusieurs vies durant lesquelles, on nous tend des perches, on reçoit des signes qui nous mènent ou ne nous mènent pas, à la vérité. Je reste persuadée qu’il y a une autre réalité. Un monde qui s’offre à nous si on se laisse guider. Depuis la nuit des temps, le monde en va ainsi…

Nous sommes tous là pour quelque chose ! Ça ne peut être autrement. Seulement, lorsque l’on touche à cette vérité, il faut pouvoir gérer. C’est là, la difficulté. Les sens sont bouleversés et tout est différent. Ce sont les bases mêmes de nos fondations qui sont ébranlées.

Je persiste et signe pour dire que le monde n’est pas tel qu’il nous apparaît. C’est ma philosophie, mon jardin secret.

Alors, à trop vouloir y croire, j’ai tout oublié. Je suis restée loin de ce jardin pendant presque dix ans. Ma vie n’était pas figée mais mon esprit, lui, était bouleversé. Je repensais souvent à cette réalité qui ne fut que mienne. Mais elle était désormais sous scellé. Les dieux voulaient sûrement me protéger…

Dix ans se sont écoulés sans que je n’y remette les pieds. Et puis, j’ai rencontré l’Amour.

Celui qui est aujourd’hui le père de mon unique enfant. Il m’a tout de suite permis de me décharger de mes peurs, mes angoisses. Sans rien demander en retour. Etre juste là, pour moi.

J’ai dû reprendre confiance et croire à nouveau en ce monde qui m’avait échappé. Les portes étaient blindées, mais je venais de retrouver la clef.

Un monde qui m’avait bien manqué ! Ses messages codés, ses signes très élaborés… Toute une réalité à ré apprivoiser. C’est l’essence même de mon existence, la raison de ma naissance. Toujours vivre pour aimer et suivre cette idée que les dieux ne peuvent nous lâcher tant que le dernier souffle n’est pas donné.

C’est au cours de ce second « voyage » que j’ai pris cette grande décision. Devenir mère !

Offrir un enfant à cet homme qui partageait ma vie depuis quelques temps. Il ne rêvait que de cela ! Et puis, dans le même temps, j’ai fait ma demande en mariage. Oui, c’est moi qui lui ai demandé sa main. Pas très courant… Je réalisais à ce moment précis, qu’il comptait vraiment dans ma vie. C’était mon sauveur, mon messie ! Je ne me voyais plus vivre sans lui.

A peine trois semaines après avoir pris la décision d’avoir un enfant, j’étais enceinte. Et là aussi, on a fait dans l’originalité puisque c’est lui qui me l’a annoncé ! J’étais au travail lorsqu’il est allé chercher les résultats de la prise de sang au laboratoire. Nous étions bénis des dieux !

Et pourtant, ma grossesse ne fut pas si merveilleuse. J’étais triste parfois, sans vraiment savoir pourquoi. Je sais que j’ai beaucoup culpabilisé car je portais ce bébé mais je n’arrivais pas à arrêter de fumer. Bien entendu, j’avais réduit ma consommation de tabac mais je ne suis pas parvenu à arrêter complètement. A huit mois de grossesse, j’ai participé au « Plan des 5 jours » organisé par l’hôpital de Thonon-les-Bains. Mais, les organisateurs m’ont conseillé de ne pas vraiment arrêter si c’était trop compliqué. Ce qu’il fallait, c’était surtout ne pas trop culpabiliser…

Et puis, un mois plus tard, le 10 juin 2006, elle est arrivée !

Le jour J, les premières contractions furent très douloureuses mais très vite, l’anesthésiste a pratiqué une péridurale et l’accouchement fut pour moi, un véritable bonheur !

C’était le début d’un rêve que je ne voulais quitter. Alors, comme je l’ai évoqué précédemment, j’ai cessé de dormir. J’avais trop peur de fermer les yeux ! Trop peur d’y croire un peu ! Pour moi, je crois que j’appréhendais la chute. Continuer à rester éveillée, c’était un gage de sûreté. Je ne pouvais risquer de m’éloigner un peu de cette réalité.

Trop de bonheur d’un coup ! Eh oui, il faut pouvoir gérer…

Le retour à la maison aurait pu tout apaiser, enfin je crois…

Mais, mes parents, qui n’habitaient pas la région, étaient venus pour la naissance de notre fille. Et ce soir là, leur petit chien, âgé de 17 ans, allait rendre l’âme. C’était un teckel qui m’avait vu grandir. Je devais avoir 7 ou 8 ans lorsqu’il est arrivé dans la famille. C’était le chien que j’avais tant aimé !

Ma maman, cette nuit là, m’a appelée, complètement bouleversée. Je suis arrivée dans leur maison de location pour les conduire chez le vétérinaire de garde. J’avais pris soin de le contacter et je savais où les amener. Mais, les images qui sont toujours trop bouleversantes pour moi. Son foie avait éclaté et il y avait du sang partout dans leur maison. Trop choquant pour une jeune maman !

Il fut piqué le lendemain matin.

J’ai essayé de me relever, tenté d’oublier.

J’ai continué de m’occuper de mon enfant. Un rôle épatant !

Mais ma santé s’est dégradée. A trop peu dormir, j’ai fini par craquer. Je me revois parfaitement le soir où tout à basculé. Une terrible crise d’angoisse que je n’ai pas su gérer.

J’ai composé le 15 et j’ai tenté d’expliquer au médecin ce qui se passait, sans vraiment le comprendre moi-même. Mais, la seule chose qu’il ait pu dire, c’est qu’il fallait que je rencontre un médecin le lendemain. Et c’est ce que je fis, avec mon mari. C’est un docteur épatant que nous sommes allés rencontrer. Il directement contacté les urgences.

Mais il a dû se battre pour mobiliser un véhicule du SAMU. Il a clairement dit qu’il ne me laisserait pas sortir de son cabinet sans leur intervention. Mon cas était trop grave !

Je crois que je ne soupçonnais pas les conséquences de tout cela.

La suite, vous la connaissez déjà…

Mais mon histoire ne s’arrête pas là. Après avoir traversé de nombreux moments difficiles, nous avons cherché la solution la mieux adaptée. Notre fille aurait peut-être été placée…

Je ne pouvais pas m’en occuper. Alors, il fallait parer au plus urgent. C’est à ce moment là que mes parents ont déménagé. Ils ont quitté la ville de La Tranche sur mer, en Vendée pour une maison plus grande à Luçon et très vite, l’idée de déménager pour les rejoindre s’est imposée. Ma maman a trouvé à nous loger. Elle a fait l’acquisition d’une seconde maison, que nous habitons toujours aujourd’hui. Ca nous a sauvés ! Cependant, en quittant la Haute-Savoie, j’ai décidé d’y laisser aussi mes problèmes et j’ai arrêté de me médicamenter.

Je voulais prendre un nouveau départ et tout oublier.

Six mois se sont écoulés avant la rechute. Fatale, évidemment !

Après avoir enfin trouvé un emploi, le job dont j’avais toujours rêvé, j’ai déraillé. Ça s’est très vite manifesté par des « bouffées délirantes », quelque chose d’effrayant !

Le jour où finalement, j’ai rencontré la psychiatre qui me suit actuellement, on a pu nommer ma maladie. Je repassais trois semaines en psychiatrie.

Une schizophrénie, voilà de quoi il s’agissait. Il m’a fallu du temps avant de l’accepter.

Accepter de souffrir d’une maladie mentale…

Avancer avec l’idée que plus rien ne sera comme avant. Et pourtant, j’y ai cru à nouveau. C’était comme un serment. Le monde est trop beau, la vérité s’invite avec acharnement.

J’y ai cru trop longtemps, trop distinctement. Il y a autre chose, c’est évident ! Mais vivre dans ce monde est peut-être utopique. Trop éloigné de cette plate réalité. Alors, j’ai accepté de me soigner. Admettre qu’il me faudrait prendre un traitement à vie.

Dompter cette étrange pathologie qui a fait de moi ce que je suis… Six ans après les débuts de la maladie, me voilà grandie. Riche de cette force qui est la mienne. Celle de toujours croire en mon histoire plutôt qu’en la maladie.

Françoise ETIENNE, décembre 2012

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