« Éclatement de la famille et désagrégation de la personnalité », Musky Munshine
Quand les visages évidents ayant peuplé mon enfance se détournent et s’en vont faire leur vie, la fissure devient béante. L’unification de la personne est impossible, plus aucun « autre » stabilisant à portée de regard.
Le passé est inaccessible car les yeux aimés se sont clos, je suis aveugle, la main du prochain n’est plus là pour m’offrir l’aide, de mes expériences et de mes acquis.
L’enfer c’est l’incapacité de la relation, à quoi bon apprendre si c’est pour s’entraîner éternellement à jouer à la balle contre le mur qui me sépare du dehors.
La relation numérique ne remplace pas l’échange réel, sans l’autre » vrai » la conscience s’effrite. Si vous avez un vrai » autre » conservez-le il est précieux car c’est par lui que vous accédez au réel.
Les deux » autres » sont nécessaires : le premier c’est l’autre du passé dont le souvenir structure le psychisme, le second c’est l’autre du présent qui permet la relation et entretient l’élan vital.
Les membres de la famille offrent en sacrifice le » fou » sur l’autel de leur tranquillité, les fantômes filiaux et les secrets cachés dans la cave des non-dits rongent l’esprit du malheureux dément. Le sorcier suggère de conjurer le mal par l’absorption de pilules, elles feront taire le pestiféré, qui, allongé sur l’autel, conteste son sort. Une fois calmé et bavant on offre au pauvre diable un pinceau afin qu’il peigne sa douleur sur les murs de sa caverne.
Il est loin le temps de la jeunesse quand prôner la folie en tant que distinction était un honneur, la marque de la différence.
Fierté de l’oiseau libre volant au dessus du troupeau, mais hélas le temps use et la masse est trop forte, ils sont trop nombreux à bêler et à médire.
Discours décousu et incohérent, délire d’un cerveau malade, la folie est amoureuse, ses bras enlacent l’élu de son cœur et le sépare du réel en lui soufflant à l’oreille : » Tu as une mission « .
Étrange missionnaire que ce prophète muet qui fait rire la foule, il reçoit ses révélations au fond de son lit et lorsqu’il peut en sortir s’en va annoncer aux braves gens que la vérité ne se trouve pas dans les supermarchés.
Etre un mouton, mon rêve, je voudrais bêler et consommer pour être comme les autres, avoir l’illusion du bonheur et dire adieu à madame la folie.
Musky Munshine