Abolir la psychiatrie
« L’abolition de la psychiatrie n’implique pas d’interdire aux gens de s’approprier les diagnostics psychiatriques qu’iels estiment leur être utiles, ni de leur interdire de continuer à prendre les médicaments psychiatriques qu’iels estiment efficaces. »
Stella Akua Mensah & Stefanie Lyn Kaufman-Mthimkhulu
https://www.zinzinzine.net/l-abolition-carcerale-doit-inclure-la-psychiatrie.html
Préambule
Je tiens à préciser en introduction que je ne suis pas sous l’emprise de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH ou CCHR à l’international), une organisation qui exploite les victimes de la psychiatrie au service d’un culte sectaire.
J’écris cet article car depuis la création de Comme des fous, j’ai mis beaucoup d’énergie pour comprendre la psychiatrie, pour réfléchir à comment la transformer collectivement car au final on est dans le même bateau.
J’écris en « je » car j’aimerais arrêter de me cacher derrière un « nous », sous-entendu « nous à qui on ne donne pas la parole », pour assumer mon point de vue personnel que je ne retrouve pas dans les mots des autres. Je sais que la psychiatrie ne me lâchera pas malgré la haine que je lui porte et je ne doute pas que l’EMDR ou la sismothérapie pourraient m’aider à dépasser les traumas générés par les hospitalisations à répétition.
Je trouve néanmoins qu’il faut politiser le problème. Car sinon on en revient toujours aux mêmes peurs et aux mêmes arguments.
Si la psychiatrie disparaît, la folie elle ne disparaîtra pas, qu’est-ce qu’on va faire de ces personnes folles pour lesquelles notre soutien indéfectible ne suffit pas, si même quand on se relaie jour et nuit pour l’accompagner, elle part dans un délire qui nous fait envisager le pire, qu’elle pourrait avoir une pulsion de mort ?
Si la psychiatrie disparaît, oui il va falloir s’organiser et proposer une alternative. Penser le soin dans la communauté, monter en compétence au niveau de la résolution de crises et de conflits, pour pouvoir se passer de l’hôpital psychiatrique.
Si la psychiatrie disparaît, les murs de l’asile tombent, même pour les plus démunis qui n’ont nulle part où aller ou qui n’ont pas les sous pour se réfugier en clinique. On nous répond qu’être enfermé en psychiatrie puis suivi à vie, c’est toujours mieux que de finir enfermé en prison (alors qu’on n’a même pas commis de crime…).
L’enfermement psychiatrique et la déshumanisation des soins qui va avec ne sont pas une solution.
Certaines propositions qui reviennent souvent sont l’arrêt des hospitalisations et des traitements forcés ainsi que l’abolition de la contention. En finir avec les traitements dégradants, ce qui sous-entend qu’on ne garderait que le bon côté de la psychiatrie, des gens dévoués et formés à accueillir nos proches quand ils vont trop mal…
Beaucoup considèrent n’avoir été que malmenés par la psychiatrie, qu’ils vont bien malgré tout et que la psychiatrie les a sauvés, qu’il faut réussir à passer outre les conditions d’hospitalisation difficiles, que même si la chambre d’isolement est une torture psychique, mieux vaut le taire et ne pas raviver les traumas.
A chacun sa souffrance, à chacun ses traumas, un jour tu trouveras le bon psychiatre et psychologue pour te reconstruire et avancer, et la psychiatrie ne sera qu’une béquille, elle ne prendra qu’une place insignifiante dans ta vie rétablie car la psychiatrie ce n’est pas la vie. La vie hors des moments de crise vaut le coup d’être vécue et quand on va bien, on ne pense pas à changer la psychiatrie.
Je pense que ceux qui vont bien ont le devoir d’aider ceux qui n’ont pas (du moins temporairement) les ressources mentales pour résister à la folie et à la réponse psychiatrique (« tais-toi et avale ton traitement médicamenteux »).
Ceux qui sont rétablis mais aussi les proches peuvent aussi ne pas être complices de la maltraitance psychiatrique, ne pas fermer les yeux et permettre l’émergence de propositions alternatives de soins inscrits dans la communauté, échappant au tout médicament et à l’explication biomédicale des handicaps psychosociaux et des troubles dont la science ignore les causes.
Abolir la psychiatrie, ce n’est pas guérir miraculeusement en se sevrant des médicaments en cachette de son psychiatre, ni même forcément arrêter son traitement médicamenteux, ni même refuser les diagnostics ou les soins. Abolir la psychiatrie, c’est être fin d’esprit à défaut d’être sain d’esprit, c’est accepter la neurodiversité et la folie comme quelque chose d’inscrit dans l’humanité, une souffrance ou un handicap à accueillir collectivement, le « vrai » soin sans rapport de domination. Ces alternatives existent déjà dans les groupes d’auto-support et les groupes d’entendeurs de voix.
Les gens qui avons besoin de médicaments-béquille pour réguler le sommeil, apaiser les idées, ne pas sombrer dans l’abîme ou réduire l’anxiété, on a aussi besoin de parler. Parler de moi, je n’aime pas ça, je préfère engager une discussion sur la psychiatrie.
Comme dit un ami, parler de psychiatrie peut sauver des vies. Mais je pense que la psychiatrie sauve parfois des vies par défaut car on n’a pas inventé d’autre recours. Et que ce qui soulage vraiment la souffrance, c’est la parole, ce à quoi les psychiatres ne sont pas formés en 10 ans d’études contrairement aux psychologues.
Je suis heureux de pouvoir dévoiler par écrit ce que je pense sur la psychiatrie et mon refus de la voir se réformer, je pense qu’écrire c’est aussi réfléchir, sortir d’un silence et d’une souffrance étouffée par les calmants. Et j’espère qu’on pourra réfléchir ensemble à des récits alternatifs, dépsychiatriser nos troubles et s’émanciper collectivement car, antipsy ou pas, au final on est dans le même bateau.
Joan
Annick Breton
25 mai 2023 chez 12 h 38 minSi la psychiatrie disparaît, la folie elle ne disparaîtra pas, … eh oui, et comment prendre en charge toutes ces personnes (et notamment les jeunes -y compris les enfants-) qui souffrent et sont abandonnés faute de médecins psychiatres et soignants… notons, au passage, qu’il existait une formation spécifique d’infirmier-infirmières en psychiatrie (arrêtée dans les années 80) formation qui abordait le « patient » du point de vue psychique et non pas, comme la formation IDE où le « patient » est vu du point de vue corps physique avec symptômes , maladies visibles…. sinon, j’ai travaillé en 1975 à la Clinique de Freschines qui était en lien avec le médecin chef de la Clinique de Vontes dont je recherche le nom …. j’ai bcp appris dans les réunions collectives de fin de journée,.. je n’avais pas de formation spécifique psy… mais cette expérience m’a énormément apporté pour mon parcours de vie.