Chambre d’isolement [Vaillandet Lylaeve]
TW : Violences psychiatriques.
Je ne suis jamais vraiment sortie de chambre d’isolement.
Physiquement peut-être, les soignants m’ont détaché les chevilles, les poignets et le front et m’ont déverrouillé la porte ;
mais, psychologiquement, je suis encore dans cette pièce sans issue,
psychologiquement, me retrouver seule, même dans ma propre maison, c’est me revoir adolescente, contrainte par la force à l’immobilité et à l’isolement, c’est sentir le blanc des murs et des sangles engloutir mes possibilités de communiquer avec le monde ;
psychologiquement, c’est l’angoisse de ne jamais sortir de mes entraves qui revient chaque jour depuis que mon jeune cerveau l’a malgré lui intériorisée.
Je me souviens de la violence de la solitude et de la violence employée pour l’imposer ;
je me souviens de ces mains qui m’ont maintenue au sol, qui m’ont frappée pour m’apaiser, qui m’ont traînée par terre dans les couloirs de la pédopsychiatrie, qui m’ont déshabillée sans mon consentement pour mieux m’attacher à leur lit en plastique ;
je me souviens de l’humiliation, d’adultes responsables m’observer de la fenêtre de la chambre pour juger de ma disposition à sortir de leurs soins spéciaux ;
je me souviens devoir me pisser dessus et supplier qu’on me laisse me nettoyer, parfois sans succès.
Je me souviens de toutes sortes d’abus de la psychiatrie, qu’importe l’hôpital, qu’importe l’année, qu’importe les lois mises en place, et je pourrais continuer pour des pages encore si le simple souvenir de ces chambres de torture ne me replongeait pas dans cette angoisse de l’isolement qui ne m’a jamais quittée, des années plus tard.
J’ai passé mes dernières années à chercher une raison, une justification à ce que j’ai vécu ; je peux dire aujourd’hui et après des recherches minutieuses qu’il n’y a rien qui puisse humainement justifier que l’on contraigne, détruise et traumatise l’enfant que j’étais et l’adulte que je suis.
Alors, je parle aujourd’hui de l’inhumanité de la mise en chambre d’isolement, et j’en parlerai qu’importe le mal que ça me fait encore d’en parler, parce que je ne saurais m’endormir en paix en ignorant que ces sangles et ces murs existent toujours, je ne pourrais m’endormir en ignorant les cris de la personne enfermée dans la chambre voisine.
Vaillandet Lylaeve