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4 mars 2020

Entretien avec Mathieu Bellahsen, co-auteur de “La Révolte de la psychiatrie”, mars 2020.

révolte de la psychiatrie

A l’occasion de la parution de “La révolte de la psychiatrie : les ripostes à la catastrophe gestionnaire” aux éditions La Découverte, nous avons pu poser nos questions à Mathieu Bellahsen, co-auteur du livre avec Rachel Knaebel et Loriane Bellahsen.

CDF : Qu’est-ce que le citoyen lambda ou la personne qui est passée par la psychiatrie peut trouver en lisant ce livre? Qu’est-ce qui se cache derrière ce titre prometteur mais aussi intimidant?

L’enjeu de ce livre est double : documenter les luttes qui ont embrasé la psychiatrie publique depuis deux ans et les formes nouvelles que cela a créé notamment dans le rapport entre les professionnels, les personnes en soin et les familles.

La lutte pour des soins publics dignes, accessibles et le temps qu’il faut, nécessitent de repenser notre façon de nous tenir ensemble, de ce que l’on souhaite collectivement comme société.

Les témoignages de toutes les personnes qui se sont soulevées disent peu ou prou que ça a changé quelque chose dans leurs rapports les uns aux autres.

Avec mes mots de soignant, je dirais qu’en partant à partir de luttes politiques, cela a créé de nouveaux espaces cliniques et thérapeutiques. Et avec mes mots de citoyens, je dirais que ça a créé de nouveaux espaces démocratiques locaux.

Autour du café que l’on partage devant l’hôpital émergent des échanges de parole, des échanges affectifs et humains qui font progressivement tomber les barrières des uns envers les autres.

Ce premier moment, celui de la révolte, en invite à d’autres et c’est ce à quoi nous sommes convoqués aujourd’hui alors même que les politiques de destruction se font massives.

Rachel a fait un travail journalistique avec des dizaines d’interviews pour que la parole des premiers concernés ait le droit de cité puisque cette parole est souvent étouffée par les officiels de la santé mentale et de la psychiatrie et de la farce de la démocratie sanitaire.

Nous avons donc fait un état des lieux des luttes dans le champ du droit, notamment porté par le CRPA contre l’internement arbitraire, dans le champ des pratiques d’accueil et de subversion avec Humapsy, le TRUC (terrain de rassemblement pour l’utilité des clubs), des associations qui portent d’autres discours que celui devenu hégémonique tant dans le champ de l’autisme (le CLE autistes, la Main à l’Oreille) ou dans celui de la psychiatrie (le Fil Conducteur Psy…)

CDF: Et l’autre enjeu du livre?

C’est une mise au point sur le modèle dominant de psychiatrie qui s’évertue à remplacer des humains par des machines, à faire croire que des techniques seraient plus efficaces que des personnes pour prendre soin des troubles de l’existence humaine.

Nous consacrons donc plusieurs chapitres à la catastrophe gestionnaire néolibérale que promeut une fondation comme FondaMental, fer de lance des réformes psychiatriques depuis des années et qui a réussi à infiltrer l’appareil d’Etat, notamment avec la nomination d’un délégué à la psychiatrie, « FondaMentaliste » notoire.

Ce livre fait un état des lieux alternatif à celui de « l’état d’urgence » de FondaMental. Il vient sur un fond de l’air particulier dont certaines tempêtes soufflent et qui sont à intensifier dans nos lieux de vie et de travail…

C’est ce à quoi nous invite Virginie Despentes ce lundi 2 mars dans une tribune écrite pour Libération suite à la révolte d’Adèle Haenel lors de la remise des Césars:

« Quand ça ne va pas, quand ça va trop loin ; on se lève on se casse et on gueule et on vous insulte et même si on est ceux d’en bas, même si on le prend pleine face votre pouvoir de merde, on vous méprise on vous dégueule. Nous n’avons aucun respect pour votre mascarade de respectabilité. Votre monde est dégueulasse. Votre amour du plus fort est morbide. Votre puissance est une puissance sinistre. Vous êtes une bande d’imbéciles funestes. Le monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables est irrespirable. On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde. »

https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

Le chapitre sur l’autisme écrit par Loriane Bellahsen traite de l’apparition d’un « marché de l’autisme » via le développement de « plateformes » qui transforment les lieux de soins et d’accompagnement en lieux d’étiquetage et d’orientation vers le secteur privé lucratif (entre autres). Sous couvert de répondre à la demande d’inclusion et de prise en charge précoce des familles, cette politique met en place une sélection en faveur des personnes autistes considérées comme « productives », qui peuvent tenir à l’école et au travail, et en défaveur des autres qui sont invisibilisées.

Vous pouvez lire quelques bonnes feuilles du livre ici.

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