« Et les chiens se taisaient » [Vaillandet Lylaeve]
Aimé Césaire disait :
« Mon nom : offensé ; mon prénom : humilié ; mon état : révolté ; mon âge : l’âge de la pierre ; ma race : la race tombée »
Je suis de ce peuple que la psychiatrie tue.
Tuer est un grand mot – je ne suis pas morte encore – mais j’ai vu tant des miens détruits d’avoir connu la psychiatrie, ou plutôt d’avoir été connus par la psychiatrie.
J’ai vu de mes propres yeux – qu’importe la façon dont on prétend que l’expérience d’un fol est irrecevable, de mes propres yeux j’ai vu – des personnes malades que le système psychiatrique a délavées, privées de leurs libertés par la tutelle et la curatelle, attachées et enfermées par les contentions imposées, endormies par des médicaments imposés, menacées dans la discrétion des bureaux de « médecins », réduites à des diagnostics subjectifs, approximatifs et parfois même faux ou simplement vides de sens – je pense amèrement au diagnostic le plus utilisé pour justifier l’enfermement de personnes dissidentes, mineures comme majeures, « troubles du comportement », qui n’a ni base ni définition scientifique et est ainsi difficilement contestable.
J’ai vu des individus mourir simplement sous les mains de soignants bourrés de puissance par leur statut.
Et je me suis vue croire et prier selon ces mensonges de psychiatres, jusqu’à devoir reconstruire ma personnalité désintégrée par des années d’internement.
« Ma religion… mais ce n’est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement… c’est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute… »
Ce désarmement qu’opère l’hégémonique psychiatrie, c’est l’ablation des libertés, l’illégitimation des croyances et la condamnation de la colère des fols.
Ainsi désarmés, nous nous voyons enfermés et mis sous silence.
Mais, sinon nous qui croyons encore en notre humanité, qui fera la révolte qui nous libérera ?
Autant que des murs et des camisoles, c’est de la croyance générale que la psychiatrie est une science et qu’elle sauve tous ses patients dont nous devons nous libérer :
La psychiatrie ne sauve que l’idée qu’elle se fait de l’humanité, la distille dans l’imaginaire commun et fait taire les discours de ceux qui dénoncent et de ceux qui revendiquent leurs droits.
« C’était moi, c’était bien moi, lui disais-je, le bon esclave, le fidèle esclave, l’esclave esclave »
Dans la tête d’un psychiatre, un bon patient est un patient sans révolte, un bon patient est un patient patient, un malade qui croit encore à l’imposture de celui qui prétend le guérir.
Un patient qui ne pense pas ainsi est une menace « pour lui-même et pour les autres », comme ils disent.
Et, pour contrecarrer toute révolte et justifier ce désarmement, la psychiatrie a ses propres armes, et elle les garde furieusement :
La moindre législation en sa faveur, le moindre pouvoir qui lui est accordé, la psychiatrie en abuse pour mieux s’ancrer sur son trône.
Aussi, elle alimente de ses propres recherches biaisées ses propres principes ; ainsi, la psychiatrie se renouvelle pour esquiver toute critique à son égard.
Alors, continuons de la critiquer, commençons à la combattre et à la remplacer par mieux ; soyons fiers d’être humains et revendiquons notre droit à l’être.
Vaillandet Lylaeve