Le Lieu de répit, alternative à la psychiatrie
Marseille : Un «Lieu de répit» pour les personnes sans chez soi vivant une crise psychique/ état extrême
Un lieu, un espace et des vies chargés de sens et de significations, dans une ville aux contrastes toujours en effervescence humaine et culturelle surprenante, inventés en dépit du pessimisme ambiant pour servir et se servir du beau et du magnifique. Lieu de répit de Marseille. Une expérience en cours qui s’inspire de l’optimisme de l’action et du savoir-faire et de l’expérience. N’est-il pas étrange de nous voir faire mieux avec des moyens de bord ? Venez nous voir pour comprendre et agir ! Des bénévoles vous offrent l’apéro, entrée privilégiée pour découvrir et vivre le sens de faire humain autrement.
Un lieu de répit – Place of respite – Lugar de descanso- Ort der Erholung – مكان الراحة والإستجمام
Contexte
Sans-abrisme
Le nombre de personnes sans-abri augmente en même temps que le creusement et l’accroissement des inégalités, dans les grandes villes des pays riches, et de façon notable en France (1). Elles ont un plus grand nombre de pathologies et une espérance de vie 35 à 40 ans inférieure à la population générale (2) . Celles qui restent durablement à la rue ont des difficultés aggravées dans l’accès aux soins et aux droits et sont plus souvent atteintes de « troubles psychiatriques sévères » comme la schizophrénie (3). Le processus est loin de s’inverser en dépit des mesures et des déclarations des acteurs institutionnels ici à Marseille et ailleurs.
Santé mentale
Les personnes vivant une crise psychique dans des états extrêmes, et qui sont définies par le monde psychiatrique « d’atteintes de schizophrénie ou de troubles bipolaires » ont entre 20 et 25 ans d’espérance de vie en moins que la population générale. Pourtant ces personnes peuvent se rétablir dans la plupart des cas de ces troubles dits à tort « incurables ». En effet des recherches-actions telles que l’ « Open Dialogue » en Finlande ont démontré que 90% des personnes se rétablissaient définitivement de la dite « schizophrénie » et s’insèrent activement dans la vie sociale et économique. Les travaux scientifiques de Jim van Os , psychiatre Néerlandais, ont sapé les fondements de la schizophrénie. Elle n’existe pas selon cet expert psychiatrique (4).
En dépit de ces constats, les « soins sous contraintes » restent une pratique très fréquente en France (29% des hospitalisations en psychiatrie publique en France (5). La schizophrénie est aussi une catégorie qui fait peur, et qui surdétermine, plus qu’une autre catégorie, le risque d’enfermement (6). Une étude menée en Belgique montre que les facteurs qui augmentent le risque d’être hospitalisé sans consentement sont de trois ordres : 1) faire partie d’une minorité ethnique, 2) être sans abri, 3) et l’absence d’alternative à l’hospitalisation (7). Un rapport accablant de juillet 2016 souligne la maltraitance lors des soins sous contraintes en France symptomatiques des dérives des hôpitaux (8). Ces pratiques expliquent que les personnes se détournent alors du système de soins dans son ensemble (9), alors qu’elles sont nombreuses à développer des PTSD après leur passage aux urgences psychiatriques (10).
Marseille
Il y a plus de 15000 personnes sans abri à Marseille dont plus de 4000 en situation de « troubles psychiatriques » (11). Selon une étude rétrospective sur six ans conduite par les urgences psychiatriques de Marseille (Hôpital de la Conception, Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille). 6.7% des patients admis étaient sans abri, parmi lesquels 43.7% avaient un diagnostic de « schizophrénie ». Ces patients étaient statistiquement plus souvent admis aux urgences: 4,9 fois pour les patients dans domicile fixe contre 1,7 fois pour les autres patients (12). Le tout premier, c’est la situation spécifique de Marseille. La ville, qui comprend des arrondissements entiers très populaires au cœur même de la ville, est marquée par des taux de pauvreté supérieurs à 40 % (13).
Justification de l’action
L’équipe (14) MARSS via à l’expérience d’un squat en 2007 va expérimenter le fait que les personnes de la rue pouvant choisir entre l’hôpital et ses contraintes et un lieu de vie vont souvent se saisir cette opportunité et éviter ainsi un contrôle social formel (15). Un autre outil que développe MARSS en 2014 le Wellness and Recovery Action Plan (WRAP) un outil accompagnement de la personne à élaborer son propre plan de crise, en partant d’une réflexion sur son bien-être. Malgré ces nouveaux outils l’équipe MARSS rencontre de très nombreuses personnes en fuite d’un système de soins contesté et refusé ouvertement parce qu’il ne correspond pas à leurs propres besoins. Elles cumulent souvent « maladie psychique sévère » évoluant vers (schizophrénie ou trouble bipolaire) et difficultés d’avoir des activités régulières.
Objectifs
Objectif principal : la diminution du nombre et de la durée des hospitalisations en urgence et/ou sans consentement des personnes sans chez soi vivant une crise psychotique.
Objectifs secondaires : Amélioration de la qualité de vie perçue, du rétablissement et de la citoyenneté par la reconquête active de leurs droits.
Modèle théorique d’intervention
Le modèle « Soteria », dont s’inspire le projet de Lieu de répit, a été créé en Californie dans les années 1970. De nombreux programmes similaires ont été par la suite développés au Québec, à New York, et dans le Nord de l’Europe. Il repose sur les principes suivants : Offrir aux personnes vivant une « crise psychotique » un milieu de vie calme, communautaire ; proposer une approche phénoménologique de la personne visant à donner un sens à l’expérience subjective de la crise psychotique ; accompagner la personne dans ses activités quotidiennes selon le principe « d’être avec » et « faire avec » ; absence de recours systématique aux traitements neuroleptiques, ou administration de faibles doses en favorisant plutôt les anxiolytiques qui altèrent moins les fonctions cognitives supérieurs et toujours avec l’accord de la personne ; présence permanente de professionnels et de bénévoles qui adhèrent à une vision existentiel et contextuelle de la crise sans la médicaliser/psychiatriser d’emblée. Plusieurs études ont montré que l’approche alternative à l’hospitalisation fondée sur le Soteria paradigm avait des résultats meilleurs ou équivalents à ceux de l’hospitalisation conventionnelle en termes de réduction de la symptomatologie (16), d’augmentation des temps de rémission et de reprise d’une activité professionnelle (17), et avec des coûts réduits (18).
Lieu de répit, lieu de proximité
Le Lieu de répit est situé à proximité du lieu de vie habituel des usagers. Les équipes d’adressage seront l’équipe psychiatrie précarité MARSS, les urgences psychiatriques (CAP 48 et Conception), et l’EMPP de l’hôpital Edouard Toulouse. Le critère principal d’orientation vers le Lieu de répit sera le refus de la personne d’être hospitalisée associé à la présence d’éléments pouvant justifier des soins sans consentement.
Le fonctionnement du Lieu de répit sera inspiré par l’approche des «pratiques orientées vers le rétablissement » et celle de l’« Open Dialogue » (19). La place de l’auto-support et de la pair-aidance y est centrale. Le séjour au Lieu de répit sera un levier pour l’accès aux thérapies, au logement et à l’emploi grâce à l’intervention spécifique des acteurs expérimentés du lieu mais surtout grâce au travail de partenariat avec les équipes d’accompagnement d’aval : Un chez soi d’abord, Le collectif des diplômés de la vie, HAS (Haute Autorité de Santé), Projet d’évitement aux incarcérations (Médecins du Monde), Jane Pannier, Working First, secteurs de psychiatrie et toues les associations utiles pour les projets individualisés des personnes.
La place donnée aux bénéficiaires de l’action et aux experts d’expérience dans le pilotage du projet et la gestion du fonctionnement du lieu est toute aussi innovante : Le projet Lieu de répit est issu des réflexions et des revendications de personnes directement concernées par la vie à la rue et les « troubles psychiques ». Leur forte demande de lieu d’accueil alternatif à l’hospitalisation en psychiatrie est à l’origine du projet. La participation au projet par les personnes directement concernées se poursuivra dès septembre 2017 avec la création du comité de pilotage au sein duquel les personnes ayant une expérience personnelle des situations de « crises psychiques et sociales », ainsi que des pratiques hospitalières inadaptées et maltraitantes, auront une place centrale. L’implication au groupe participatif, organe principal de gestion collective du projet, sera proposée à toutes les personnes ayant connu directement les hospitalisations sous contrainte et l’exclusion sociale, en s’appuyant sur le réseau associatif marseillais compétent, ainsi que celui de l’équipe MARSS et des équipes partenaires. Les critères d’évaluation du projet seront affinés au fur et à mesure grâce à la collaboration entre les chercheurs, les acteurs de terrain et les experts d’expérience, détenteur du savoir-faire. Par ailleurs, les usagers du lieu participeront aux réunions de fonctionnement du Lieu de répit dès son ouverture, aux côtés des professionnels et des volontaires, sur le modèle de la représentation des usagers dans le médico-social (choix des représentants par les bénéficiaires directs).
Seront également impliqués dans le comité de pilotage les représentants des institutions et équipes partenaires du projet mais aussi des élus locaux, des associations d’habitants du quartier, des journalistes, afin que le débat sur l’accueil et la prise en charge de la « crise psychiatrique » soient ouverts à tous les citoyens et non pas seulement à des experts de la « santé mentale ».
Des évaluations intégrées dans toutes les étapes
La première phase du projet (les deux premières années) permettra de tester la faisabilité, le processus d’implantation ainsi que le modèle d’intervention du projet global. C’est cette phase de l’expérimentation qui est soumise à l’appel d’offre. Elle se réalisera dans dans des méthodes quantitatives et qualitatives avec une composante de niveau participatif (Sherry Arnestein). Nous examinerons, outre l’efficacité du programme, l’écart entre le modèle théorique et le modèle pratique (Dr Aurélie Tinland, médecin de santé publique) et à l’analyse du processus d’implantation et des parcours de soins des usagers (Julien Grard, Anthropologue). La phase deux du projet sera assurée grâce à l’engagement de l’AP-HM sur le redéploiement de la prise en charge intra- hospitalière classique sur le modèle expérimental du Lieu de répit (fermeture de lits « classiques » pour des places de prise en charge à temps complet alternatifs à l’hospitalisation). Nous proposerons dans cette phase deux, une évaluation d’avancement du projet avec groupe témoin à l’aide d’un financement PREPS/PHRC. Une pérennisation ou régulation sera décidé en fonction des résultats obtenu lors de cette phase 2.
Présentation du promoteur et de l’équipe d’accompagnement
Promoteur : L’association JUST a été créée en 2015 pour développer des projets innovant, participatif dans une articulation aux réalités pour plus de justice sociale.
Composition de l’équipe d’accompagnement : Dans un premier temps, une équipe bénévole de personnes directement concernées est en cours de constitution grâce au réseau des acteurs et partenaires du projet. L’équipe du Lieu de répit sera composée en partie de professionnels « classiques » du sanitaire et du social (psychiatre, psychologue, éducateur, infirmier), de volontaires du service civique, mais surtout de personnes ayant directement eut l’expérience de la crise et/ou de l’exclusion sociale, et bien avancés dans leur parcours de rétablissement. Environ la moitié de l’équipe d’intervention sera constituée de personnes directement concernées, dit « travailleur pairs ».
Pouvoir et prise de décision : le projet sera participatif et collaboratif sans hiérarchie. Nous réfléchissons actuellement collectivement au modèle de prise de décision. La sociocratie est un modèle qui nous intéresse.
Contact :
https://just.earth/ – ldr.just13@gmail.com
Quelques données bibliographiques identifiées et rapprochées
1) Pierrette Briant, Nathalie Donzeau, division Logement, Insee. Être sans domicile, avoir des conditions de logement difficiles. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281024
2) Nordentoft et al. 2003. Specialised care for early psychosis: symptoms, social functioning and patient satisfaction social functioning and patient satisfaction. Randomised controlled trial. http://www.rima.org/web/medline_pdf/BrJPsychiatry2006_37-45.pdf3
3) GIRARD Vincent, ESTECAHANDY Pascale, CHAUVIN Pierre FRANCE. Ministère de la santé et des sports. La santé des personnes sans chez soi – Plaidoyer et propositions pour un accompagnement des personnes à un rétablissement social et citoyen. La documentation Française. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000014/
4) Jim Van Os. Schizophrenia Does not Exist. http://thescienceexplorer.com/brain-and-body/schizophrenia-does-not-exist-according-psychiatric-expert
Jim Van Os. https://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&u=http://thescienceexplorer.com/brain-and-body/schizophrenia-does-not-exist-according-psychiatric-expert&prev=search
5) Coldefy et collègues précise (page 58) : « Contrairement aux discours de certains acteurs de terrain, il y a bien une variabilité du recours aux soins sans consentement liée à la différence de prévalence des pathologies sur le territoire, les troubles schizophréniques étant plus souvent associés à une hospitalisation sans consentement. »(Coldefy et al. 2014) .
http://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/206-la-variabilite-de-la-prise-en-charge-de-la-schizophrenie-dans-les-etablissements-de-sante-en-2011.pdf
6) Le risque d’enfermement. Pour Coldefy et collègues l’augmentation des hospitalisations sous contrainte à d’abord à voir avec l’importance de la fragmentation sociale, qui qualifie la faiblesse des lies sociaux, et dans une moindre mesure, à la quantité de lieux d’enfermement disponibles d’un territoire donné (Coldefy et al. 2014). http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er860.pdf
7) Kasakou & Prieb.2006. Http: Outcomes of involuntary hospital admission. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0447.2006.00823.x/abstract
https://books.google.fr/books?id=5u0gDAAAQBAJ&pg=PA256&lpg=PA256&dq=katsakou+et+Priebe+2006&source=bl&ots=KJ7VGJ7XAz&sig=iggdIUfZuleAOOQ_2OUIrZv9J4M&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiBkduRuvfSAhXIPBQKHQCSDgkQ6AEIRTAF#v=onepage&q=katsakou%20et%20Priebe%202006&f=false
8) Le cas de Belgique. http://www.lbfsm.be/IMG/pdf/mentalidees_n17__DEF_PDFWEB.pdf
9)Adeline Hazan: http://www.voixdelain.fr/blog/2016/03/18/scandale-du-cpa-le-rapport-complet-du-controleur-general-des-lieux-de-privation-de-liberte/
10) 15 000 sdf à Marseille dont 4000 en situation de toubles psychiatriques http://www.psychomedia.qc.ca/sante-mentale/2013-08-13/sdf-sans-abris-marseille
11) Mosher et al, 1995. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2632384/
12) MARSS (Mouvement et Action pour le Rétablissement Sanitaire et Social)
Soteria (« maison Soteria », Soteria house en anglais) est un modèle de communauté proposant un espace pour des personnes traversant des crises émotionnelles extrêmes. Basé sur le modèle du rétablissement, les maisons soterias ont en commun une majorité de non professionnels du soin parmi les employés, le respect des décisions et de l’indépendance des usagers, le lien social et les responsabilités communes, la recherche de sens aux expériences psychotiques grâce à la position du « être avec » de la part des professionnels et l’usage nul ou minime de neuroleptiques (et l’interdiction de toute obligation, de toute coercition même psychologique pour obtenir « l’adhésion »). https://fr.wikipedia.org/wiki/Soteria
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