L’impasse au bout de la nuit
« Me voilà en train de filmer ma propre mise à l’oubli.
Mais que s’est-il passé pour en arriver à allumer ma caméra dans un lieu de soin psychiatrique (ce qui est interdit) ?
Pas grand chose et à la fois tellement de choses, on sait bien comme ça part au quart de tour dans ce genre de situation. L’objet du litige, un gobelet de calmant versé au sol le dos appuyé sur les portes du service fermé (celui qui a les chambres d’isolement) en guise de sit-in improvisé.
Derrière cette porte, les oubliés de la psychiatrie, ceux que l’on soigne sans leur consentement le temps qu’ils acceptent la sédation imposée.
Car là était le dilemme, sédation ou prédation.
Je ne voulais pas me faire sédater, ce qui m’aurait sûrement évité de re-débouler menottes en mains les portes cette fois-ci ouvertes quelques minutes plus tard pour une mise à l’isolement et piqûre tenu par les policiers. J’écris à une vingtaine de jours d’intervalle, le temps qu’ils ont jugé utile de me garder en me demandant gentiment d’effacer la vidéo de mon éjection de la polyclinique de la rue Wurtz, celle qui deviendra qui le sait mon lieu de soin privilégié pour éviter de finir à l’hôpital des oubliés celui de Soisy en banlieue parisienne.
Car les oubliés, on ne les garde que 72h au centre-ville et on les envoie après validation du juge des libertés au pavillon fermé, celui où ils m’ont tenu 5 jours entiers sans pause ni considération en chambre d’isolement, celle où on te laisse hurler et taper sur la porte comme bon te semble dans la limite de ta santé physique. Car la torture psychique, elle, n’a toujours pas trouvé d’issue et l’impasse reste entière dans ces pavillons de l’oubli qu’on appelle la psychiatrie. »
Joan