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21 novembre 2024

Si c’est contraint c’est pas du soin

Mad Pride 2025

Santé mentale. Faire nôtre la Grande Cause Nationale 2025.

Nous, personnes psychiatrisées et alliées, avons décidé de faire entendre notre voix en cette année 2025 où le label Grande Cause Nationale est consacré à la santé mentale.

Fol⸱les et fiers⸱ères

Tout d’abord, rendons la folie aux fols. Nous utilisons ce terme fol comme terme neutre pour désigner les personnes concernées par la folie et la neurodiversité, il s’agit de retourner le stigmate dans un effort d’auto-déstigmatisation. Nous ne nous identifions pas aux étiquettes diagnostiques que nous colle la psychiatrie mais par nos singularités.

Faire respecter la Convention relative aux droits des personnes handicapées

Nous appelons les responsables politiques à ce que soit ajoutée au bloc de constitutionnalité la Convention Relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), établie par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ratifiée par la France. S’engager à l’appliquer dans les faits, c’est faire respecter les droits fondamentaux des personnes vivant avec un trouble psychique et en situation de handicap, car les deux sont liés. Nous nous associons au terme handi qui nous rassemble au-delà des étiquettes diagnostiques, que l’on peut aussi s’approprier sans devoir essentialiser nos existences avec des termes stigmatisés : malades mentaux, dépressif, bipolaire, schizophrène, autiste, TDAH…

Les droits des personnes sont bafoués dans l’indifférence générale, ce qui renforce la structure inégalitaire de la société et opprime le monde psychiatrique, malgré les lois instaurant depuis plus de 20 ans la « démocratie sanitaire ». Rien sur nous sans nous. Au-delà de la reconnaissance des droits c’est l’inclusion sociale qui devient inaccessible : des centaines de milliers de personnes suivies par la psychiatrie ont connu la rue et 75% d’entre elles sont sans emploi.

La fin des soins sans consentement

Nous revendiquons l’abandon d’une culture de la contrainte, la mise en place de lieux d’apaisement de crise, lieux de répit, autogérés ou comprenant des équipes formées à la relation, à l’empathie, aux liens thérapeutiques. Sans contention physique, NI chimique, NI psychologique.

Manifeste de la Fada Pride (2016)

Nous demandons l’abrogation la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement qui est incompatible avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui affirme que le consentement est la base du soin sans exception.

La loi de 2011 n’est pas une loi de soin, c’est une loi d’enfermement. On ne peut pas soigner quelqu’un d’enfermé car la personne n’est pas libre et la liberté est nécessaire au consentement.

A. B.

L’isolement et la contention, des pratiques à abolir

La communauté psychiatrique est unanime sur le fait qu’on ne peut plus continuer à attacher les personnes agitées à un lit pour les immobiliser pendant un temps réglementé dans une chambre fermée à double tour. Cette pratique relève de la torture selon les traités internationaux et nos témoignages.

Les recommandations de bonne pratiques de la Haute Autorité de Santé listées ci-dessous ne sont jamais respectées :

  • Il est indispensable, au moment de la mise en place de la mesure d’isolement, de donner au patient, des explications claires concernant les raisons de l’isolement et les critères permettant sa levée.
  • L’explication doit être donnée dans des termes compréhensibles par le patient et répétée, si nécessaire, pour faciliter la compréhension.
  • Il est nécessaire d’expliquer au patient ce qui va se passer durant la période d’isolement (surveillance, examens médicaux, traitement, toilettes, repas, boisson).
  • Dans la recherche d’une alliance thérapeutique avec le patient, il est demandé au patient s’il souhaite prévenir sa personne de confiance ou un proche. Dans ce cas, les moyens les mieux adaptés à la délivrance de cette information doivent être recherchés.
  • Après la sortie d’isolement, il est proposé au patient de reprendre l’épisode avec les membres de l’équipe. Cela donne lieu à une analyse clinique tracée dans le dossier du patient.
  • Après la levée de la contention mécanique, il est proposé au patient de reprendre l’épisode avec les membres de l’équipe. Cela donne lieu à une analyse clinique tracée dans le dossier du patient

Lutter contre les violences psychiatriques

« Le traitement forcé et d’autres pratiques préjudiciables, telles que la mise à l’isolement, la stérilisation forcée, l’utilisation de moyens de contention, la médication forcée et la surmédication (y compris toute médication administrée sous des prétextes fallacieux et sans informer des risques) constituent non seulement une violation du droit au consentement libre et éclairé, mais aussi une forme de mauvais traitements, voire de torture… Par conséquent, le Comité des droits des personnes handicapées affirme la nécessité de mettre fin à tous les traitements non consentis et d’adopter des mesures visant à ce que les services de santé, y compris les services de santé mentale, appliquent le principe du consentement libre et éclairé de la personne concernée. … Il affirme également la nécessité de mettre fin à la mise à l’isolement et à l’utilisation de moyens de contention, aussi bien physiques que pharmacologiques ».

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (2018)

L’expérience de l’hospitalisation en psychiatrie est traumatisante pour une grande partie si ce n’est tous les patients hospitalisés avec ou sans leur consentement avec l’impossibilité de faire valoir nos droits quand nos facultés psychiques sont altérées par les médicaments et la sidération. Le contrôle de chaque hospitalisation par le Juge des Libertés dans les 12 jours qui suivent le début de l’hospitalisation est le plus souvent une formalité pour prolonger le séjour à l’hôpital, personne ne sort à moins d’avoir un avocat qui trouve un vice de procédure.

Pas de rétablissement sans justice sociale (Recovery in the Bin)

« Le rétablissement est un processus individuel et collectif de sortie de la maladie de personnes expérimentant des troubles psychiatriques sévères. Il s’oppose à l’idée courante d’incurabilité de la psychose. Il intègre le fait que les personnes atteintes de troubles psychiatriques doivent à la fois se rétablir des symptômes de la maladie, mais aussi des conséquences sociales négatives liées aux représentations de la psychose. »

A. K.

Rétablis ou en voie de rétablissement, de rémission ou de guérison, nous pouvons être sceptiques quant à la récupération du concept de recovery par le système de santé, qui prône l’individualité par-dessus l’intérêt commun de justice sociale (et climatique). Petit aparté, l’éco-anxiété partagée collectivement n’est pas un trouble psychiatrique.

L’action de la police dans la santé

Mais que fait la police? Comment en est-on arrivé à la psychiatrie sécuritaire où les services « ouverts », où la liberté d’aller et venir dans le parc de l’hôpital se font de plus en plus rares. Ouvrir les portes des services fermés et des chambres d’isolement serait une étape de transition réaliste afin d’atteindre l’objectif du « zéro isolement » et « zéro contention », et n’oublions pas que ces pratiques thérapeutiques voire sécuritaires naissent de l’enfermement, de la privation de la liberté d’aller et venir.

Nous dénonçons fermement le dispositif policier HOPSYWEB qui vise à croiser les dossiers des personnes enfermées sans leur consentement avec les personnes fichées S (ou terroristes). La dangerosité des patients psychiatriques a été largement documentée comme statistiquement moindre par rapport aux actes criminels de la population générale. De quel droit, on nous fiche?

Les financements de la recherche et des dispositifs numériques en santé

Financer des start-up et des gadgets plutôt que le soin est révélateur des temps qui courent. Réduire la recherche et la santé mentale au modèle biomédical est particulièrement gênant quand on sait qu’on pourrait financer des recherches en sciences humaines et sociales pour traiter ces troubles le plus souvent liés à des traumatismes psychologiques. Pourquoi ne pas confier des programmes de recherches aux propres personnes concernées ou survivantes de la psychiatrie.

Le remboursement des psychothérapies

Si on s’attaque aux causes des troubles mentaux, on découvre des histoires de vie toutes uniques, et non pas des cohortes de malades, des personnes ayant traversé des bouleversements traumatiques d’où la nécessité des pratiques de psychothérapie accessibles financièrement. Nous demandons donc le remboursement des séances de psychothérapie mais nous proposons également de participer à la formation des professionnels de santé et des thérapeutes à la spécificité de nos parcours de vie et de nos problématiques individuelles et collectives. Nous souhaitons partager notre expérience vécue pour améliorer les soins.

La pair-aidance

Nombreuses sont les personnes qui choisissent de consacrer leur vie à la psychiatrie en se basant sur leur vécu d’expérience, ce qu’on nomme la pair-aidance professionnelle, qui désigne des professionnels au sein des équipes de soin conventionnel. Faire rentrer des patients rétablis à l’hôpital est une source d’espoir pour les personnes en proie avec l’hospitalisation. Cependant cette profession n’est pas protégée et ces travailleurs et travailleuses comme les autres ne sont pas considérés à leur juste valeur. Petit rappel historique, Jean-Baptiste Pussin a commis l’acte fondateur de la psychiatrie d’enlever les chaînes des « folles » de l’Hôpital de la Salpêtrière en 1795, comme un symbole de la naissance de la pair-aidance incarné par ce patient en rémission nommé « gouverneur des fous » sous les ordres du docteur Pinel.

Pas de justice, pas de paix

Pour toutes les personnes que la psychiatrie a bousillé et leurs proches, nous leur adressons notre soutien.

Le voile doit être levé sur les pratiques psychiatriques. Les psychiatres et les équipes doivent rendre des comptes sur leurs pratiques.

A. K.

Dissolution de la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme (CCDH)

Nous appelons le gouvernement Barnier à dissoudre dès à présent cette dangereuse organisation qu’est la CCDH, qui sous couvert de la défense contre les abus psychiatriques, utilise son emprise pour enrôler des personnes psychiatrisées au sein de l’église de scientologie, c’est une dérive sectaire qui menace directement l’accès au soin et la santé des personnes concernées.

Nous appelons les personnes se sentant en accord avec ce texte à nous rejoindre sur WhatsApp et à organiser, à une date concertée, partout en France, des manifestations aussi connues sous le terme Mad Pride ou fierté folle.

Car oui, on peut être fier d’être au monde et de faire entendre un cri de dignité face aux traitements dégradants (de la part des médias aussi) que nous subissons au même titre que les oppressions systémiques

La libération psy doit avancer main dans la main avec la libération de toutes et tous.

Pas de santé mentale sans lutte anti-fasciste, anti-raciste, anti-validiste, anti-sexiste.

Pas de santé mentale sans lutte contre les LGBTQIphobies.

Chaque organisation pourra se saisir de ce texte, se l’approprier ou s’en démarquer, puisse-t-il aider à la cause des personnes en soin et à la communauté des citoyens que nous sommes.

Comme des fous

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