Page blanche [Sherazad]
J’ai passé la pire année de ma vie, j’ai perdu celui que je considérais comme l’amour de ma vie, j’ai passé des mois enfermée seule sans espoir, la peur au ventre entourée de personne tout autant perdues que moi. J’ai passé des mois à espérer seulement sortir de ces murs déprimants, de cette routine qui t’éteint à petit feu.
Attendre pour ces putains de médicaments, attendre pour fumer, attendre pour sortir dans le parc dont tu as fait le tour 100 fois, attendre pour les visites, attendre pour manger, attendre de pouvoir à nouveau exister. Attendre parce qu’on est patient. Attendre pour voir le médecin attendre pour parler à des infirmiers, attendre la fin de la relève. Attendre sans trêve, la pire torture pour une impatiente.
Mais c’est pas tout, ces murs se resserrent peu à peu autour de toi pour faire de toi le patient parfait sans âme. Tu perds ton essence plus rien ne te définit, pour ma part j’ai perdu l’art des mots et mes sentiments mes émotions et mes sensations de quoi dénaturer une hypersensible.
J’ai failli perdre la vie, perdre l’usage de mes jambes. Mais je n’ai pas souffert. J’ai explosé mon pied en morceaux, cassé deux vertèbres, et j’ai rien ressenti tellement que j’étais vide.
J’ai passé le jour de mon anniversaire attachée à un lit, écartelée sur un lit d’hôpital pieds et poing liés.
J’ai été plâtrée pendant 3 mois sans pouvoir poser le pied par terre avec un corset sur le dos. J’ai du réapprendre à marcher comme une seconde naissance. C’est ce que j’aimerais que ce soit une renaissance, un retour à zéro un reset page blanche et on recommence.
Sherazad
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Texte initialement publié par https://www.instagram.com/voix_qui_clochent/
illustration : Paysage, vers 1954. Nicolas de Staël. Kunsthalle, Karlsruhe.