Portrait de Laëtitia
Comme Laëtitia, fais-toi tirer le portrait par Comme des fous en répondant à ces 5 questions.
Quelles sont tes inspirations dans la vie et à quoi tu aspires?
Je suis très fortement inspirée par Niki de Saint Phalle. Avec ses sculptures monumentales en mosaïque à la fois joyeuses et torturées, elle dénonce sans se lamenter. J’aime cette démesure et cet esprit de révolte lumineuse par la créativité. C’est une façon de faire bouger les lignes.
Je n’aime pas le fatalisme et je pense qu’il est toujours possible de faire bouger les choses. Je n’aurais pas la prétention de dire que j’aspirerais à changer le monde mais sûrement apporter ma pierre à l’édifice, pas juste en objectant, mais en proposant des solutions concrètes notamment en matière de santé mentale pour les enfants.
Un autre volet qui me tient à cœur est l’environnement. A ma petite échelle, je fais tout pour préserver notre précieuse planète, prendre soin d’elle, c’est prendre soin de nous.
Comment décrirais-tu ton métier et pourquoi tu l’aimes?
Je suis iconographe c’est-à-dire documentaliste photo dans une agence photographique. Je visionne de belles images toute la journée. Côtoyer l’art au quotidien, c’est vraiment une chance.
J’aime ce pouvoir de l’image de figer l’instant pour ne pas oublier. A l’époque des selfies, de l’instantanéité, des réseaux sociaux et de la profusion d’images, j’aime cette faille de la photo argentique, cet « imparfait de l’objectif » comme disait Prévert de Doisneau, les surprises et l’attente aussi qu’elle offre. Sans non plus tomber dans la nostalgie du passé car j’apprécie l’innovation aussi et l’accessibilité qu’elle nous offre.
J’aime la photo humaniste, sa façon de rendre hommage à l’Homme dans sa vie quotidienne, d’apprécier les moments simples. Le monde de la photo, c’est aussi le monde de la rencontre avec l’autre, de l’émotion et de la sensibilité. C’est pour tout cela que j’aime mon métier.
Que penses-tu du monde de la santé mentale?
Je vais vous parler du monde de la santé mentale pour les enfants car mon fils souffre de bipolarité juvénile.
Je pense que la santé mentale mérite d’être traitée comme la santé physique : prévention, dépistage, diagnostic, prise en charge la plus précoce possible.
Quand un enfant a un cancer, il ne viendrait à l’idée de personne d’attendre pour voir comment cela évolue.
Pourtant aujourd’hui en France, c’est comme cela que cela se passe pour les enfants atteints de troubles psychiques.
C’est scandaleux et c’est de la non assistance à personne en danger. C’est l’éducation parentale qui est systématiquement pointée du doigt en premier. Les signalements et les placements abusifs sont courants.
Pendant ce temps là les troubles progressent… Il faut souvent un événement grave comme une tentative de suicide pour que la famille soit enfin écoutée.
Qu’est-ce qu’on peut tirer de positif de la folie?
Le trouble de mon fils m’a permis de mieux me connaître voire de me connaître tout court.
Je porte désormais un regard différent sur le handicap et j’ai beaucoup plus de bienveillance envers les autres en me gardant de jugements trop hâtifs.
On fait souvent ce qu’on peut avec ce qu’on a. Je me suis découverte des ressources que j’ignorais.
La « folie » m’a appris à me dépasser, à me remettre en question et surtout elle m’a permis d’avoir une relation très particulière avec mes enfants car elle nécessite beaucoup de remises en question.
Sans cela je pense que je ne serais pas une si bonne maman. Je suis probablement devenue une meilleure personne par le biais de formidables rencontres grâce à l’Association Bicycle – association qui vient en aide aux familles et aux éducateurs d’enfants et d’adolescents cyclothymiques, bipolaires – et dont j’ai repris la présidence depuis plus de deux ans.
Pourrais-tu devenir un jour ministre de la santé mentale et sinon qu’est-ce que tu lui demanderais?
Non, la politique n’est pas un milieu qui m’intéresse.
Si je devais lui adresser un message, c’est de prendre les mesures nécessaires pour faire connaître et reconnaître la bipolarité juvénile et cela avant 15 ans !
D’écouter le savoir expérientiel des familles au travers des associations car, avec une prise en charge précoce et adaptée, le pronostic de ces enfants peut-être très différent ainsi que l’avenir de toute leur famille car il ne faut pas oublier que dans ce trouble tout le monde souffre.
Les troubles bipolaires débutent majoritairement pendant l’enfance, ses manifestations sont différentes de chez l’adulte plutôt chroniques qu’épisodiques, d’installation progressive plutôt que d’apparition brutale.
Adapter les critères diagnostic doit donc être une urgence et une priorité.
Les campagnes actuelles pour le diagnostic précoce sur la bipolarité sont à mon sens incomplètes et donnent une fausse bonne conscience si on ne prend pas le problème à ses origines donc dès l’enfance.