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21 janvier 2023

BIPOLARITÉ : QUAND TOUT EST UN SYMPTÔME. [lucie_ptit_lu]

Bipolarité quand tout est un symptôme comme des fous lucie ptit lu

N’aurais-je jamais le droit d’être qui je suis ?

ENQUÊTE DE SOI

Une des questions que je me suis posées pendant des années :

«  Si je suis bipolaire, quelle est la part de maladie et quelle est la part de mon caractère ? »

Ma complainte revenait souvent chez mon psychiatre, qui me fixait avec ses yeux vitreux, vides de réaction, rappelant ceux d’un poisson mort. Il existe une panoplie de symptômes révélateurs d’un état maniaque et d’un état dépressif.

Il n’existe pas la liste de symptômes pour la stabilité.

Un autre psychiatre m’a posé la question : « Qui êtes-vous lorsque vous êtes stable » ?

UNE QUESTION SEMPITERNELLE

Ma réponse fut philosophique.

« Ai-je déjà su qui j’étais » ?

Cette question me lancina longtemps.

On m’affublait de tant de qualités et de défauts aux extrêmes opposés, au gré des lieux et des rencontres différentes et différées.

Quand j’étais enfant et ado, j’étais, simplement. Aucune question à avoir, j’existais simplement au Monde. Les étiquettes que me collaient les autres me glissaient allégrement sur la raie.

HYPER VIGILANCE

La bipolarité est un trouble de l’humeur, en très mal résumé.

Je remarque chez mes compères et moi ce que j’appelle de l’hypervigilance : surveiller chaque action et émotion que l’on éprouve pour situer notre état psychique, être un attentif maladif pour reconnaître ce qui relève de notre caractère ou du pathologique.

Si je ris, si je pleure, si j’aime, si je joue, si je parle, si je danse, si j’écoute de la musique, si je sors, si je me couche tard. TOUT est analyse, car tout peut être précurseur d’une crise.

Avec la liste de nombreux symptômes qui indiquent un début de phase maniaque ou phase dépressive, je me suis dit qu’arrêter de vivre était aussi une idée tout à fait valable.

LA LISTE DE MES EN VIE

Un tempérament comme le mien est difficile à dissocier des symptômes d’une montée maniaque, tant les indicateurs se confondent avec les traits de ma personnalité.

Je coche avec brio toutes mes cases de folie.

Je suis l’incarnation même d’une hypomanie.

VIVE LE CACA

J’écris depuis l’enfance. L’inspiration me pénètre tel un dard divin. Une décharge similaire à une diarrhée : les textes s’écrivent dans ma tête et je dois me dépêcher de tout évacuer avant d’en mettre partout.

Je pouvais chier plusieurs textes d’affilée sans que ce soit considéré comme un trouble, que ce soit en journée ou pendant la nuit.

LA DES FÊTES

Un jour, la crise maniaque est arrivée. J’ai écrit et implosé. Une explosion méritée, la rançon d’avoir censuré l’écriture depuis des années.

J’ai soigneusement ajouté dans la liste de mes propres symptômes « j’ai le droit d’écrire, mais pas plus de trois textes par jour, et surtout pas la nuit ».

LA RÈGLE DES RAIES

Le symptôme de la logorrhée ( diarrhée verbale pour les intimes ) se reconnaît allégrement chez les personnes habituellement mesurées et plutôt silencieuses. Deux adjectifs qui ne s’appliquent guère à mon cas.

Un jour, je fis une recherche sur le pourcentage d’écrivain dans le trouble bipolaire, et j’ai trouvé mon malheur.

MOÏSE SOUS NEUROLEPTIQUES

Un mot, qui m’était jusqu’à présent inconnu, m’a salement agacé : la graphorrhée.

Il désigne une impulsion irrésistible d’écrire, une impulsion pathologique. L’article poussait même à l’extrême. Il supposait que Moïse et son écriture des 10 Commandements puissent être un symptôme de graphorrhée, dénotant un trouble bipolaire.

Pour rester dans le champ lexical scatologique, j’ai insulté mon ordinateur innocent, en tapant des deux mains sur la table : « mais vous m’emmerdez à la fin ! ».

N’aurais-je donc jamais le droit d’être qui je suis ? Dois-je encore accroître ma vigilance qui me rend encore plus malade que le trouble bipolaire ?

PUIS UN JOUR, ON S’EN FOUT.

Un jour, j’ai cessé les questions.

J’écris comme je veux, quand je veux, autant que je veux. Un pari un peu fou avec des filets de sécurité bien tressés. J’évite quand même la nuit, l’humanité doit dormir.

J’ai plongé sans peur dans mon océan imaginaire.

4 mois que j’écris tous les jours : citation, article, roman, prose, chanson, pièce de théâtre… Mon ordinateur est bondé d’écrits, et ma créativité est infinie.

Si écrire est un symptôme, alors je suis un symptôme. Si être moi est une hypomanie, alors je suis une hypomanie.

lucie_ptit_lu

https://www.instagram.com/lucie_ptit_lu/

Musiques écoutées pendant la rédaction :

Glorious – Andreas Johnson
Stop – Sam Brown
Soulman – Ben L’Oncle Soul

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