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1 avril 2019

Groupe d’Entraide Mutuelle, l’équation impossible?

des aliénés

Le texte qui va suivre a été élaboré en 2016 par des animateurs, stagiaires, intervenants travaillant dans quatre Groupes d’Entraide Mutuelle 
de Seine Saint Denis et du Val d’Oise (Montreuil, Aulnay-Sous-Bois, Saint-Denis et Arnouville). En janvier 2019, les animatrices et animateurs des GEM de Saint-Denis, Epinay-sur-Seine, Montreuil, Bobigny, Bondy, Persan et Arnouville se réunissant lors de rencontres mensuelles réactualisent ce texte à l’occasion de l’appel de la journée du 22 janvier 2019 et pour faire écho aux tentatives de constructions communes qui émanent partout en France au sein du mouvements des Gilets Jaunes.

Ce texte espère souligner les difficultés que partagent les travailleurs et travailleuses de ces différents GEM d’abord et peut-être, si d’autres personnes s’y reconnaissent, pour dégager des problèmes plus structuraux.

Les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) sont issus de la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées« . Il en existe aujourd’hui à peu près 500 en France (100 GEM de plus depuis 2016) et sont financés par les ARS (Agence Régionale de Santé) à hauteur maximale de 77000€ par an (2000€ d’augmentation depuis 2016). Les GEM ont la particularité de relever d’une approche globale de la santé portée par le service public. Statut hybride devant s’organiser en association Loi 1901, s’inspirant des clubs thérapeutiques mais détaché de la logique hospitalière, ils naissent parallèlement à la destruction progressive des secteurs de la psychiatrie (coupe budgétaire massive, diminution des nombres de lits, logique de l’urgence contre une logique de l’accueil, augmentation des pratiques de contentions…). La loi santé, dite loi Touraine, instaurant les Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT) s’inscrit parfaitement dans ce processus.

De par la possibilité que les GEM offrent aux personnes qui les fréquentent d’être partie prenante d’une collectivité active et d’y être accueillies en trouvant une place et une fonction sociales qui leur conviennent, les Groupes d’Entraide Mutuelle sont des outils très précieux. Il nous faut cependant dans le même temps être conscient.e.s des logiques actuelles qui gouvernent les modalités de prise en charge (pour ne pas dire de « gestion ») des personnes qui ont à faire avec la psychiatrie. Les GEM ne peuvent remplacer l’importance du travail effectué dans de nombreuses unités intra-hospitalières, CMP, hôpitaux de jour, CATTP, … Les GEM ne peuvent pas remplacer non plus le travail des services médico-sociaux (SAVS, SAMSAH, ESAT…) et des services sociaux (CCAS, 115, ASE, …).

Lorsque ces lieux (qu’ils relèvent du sanitaire, du médico-social ou du social) ne sont pas ou plus en capacité d’accueillir, alors les situations difficiles auxquelles les adhérent.e.s des GEM font face ont un impact immédiat sur la vie et l’ambiance des GEM – et donc sur le travail de leurs animateurs et animatrices. Accueil, disponibilité, vigilance, amicalité doivent pouvoir réunir leurs conditions d’existence au sein de l’ensemble des dispositifs existants.

Deux divisé par deux égal un. A un on ne fait pas équipe.

Deux, c’est le nombre de salarié.e.s qui habituellement travaillent dans un GEM. Divisé par deux car en général, vu l’insuffisance de la subvention, l’un et l’autre travaillent à temps partiel. Mais peut-être faut-il entrer dans le détail pour comprendre l’équation impossible à laquelle les GEM sont confrontés.

Si l’on considère que le nombre de personnes accueillies par les GEM a considérablement augmenté ces dernières années (certains GEM comme Saint-Denis, Montreuil, Aulnay-sous-Bois peuvent accueillir entre vingt et trente personnes par jour.)

Si l’on considère que les besoins exprimés par les personnes accueillies dans les GEM ne cessent d’augmenter : besoins de soins, de relations, d’activités, de revenus, de logements.

Si l’on considère que ni les personnes qui fréquentent les GEM, ni les besoins qu’ils expriment n’ont de raison de diminuer compte tenu des réformes successives.

Si l’on considère le territoire d’implantation de certains GEM (territoires du 93 précaires et avec une population grandissante).

Si l’on considère que les nécessaires activités à développer pour que les GEM soient autre chose que des salles d’attente.

Si l’on considère la disponibilité, l’attention, la présence requises.

Si l’on considère la gestion du GEM, la comptabilité, les rapports d’activité, les recherches de subvention, à faire avec la participation des adhérent.e.s.

Si l’on considère le travail de secteur à savoir la mise en relation du GEM avec d’autres institutions : secteurs de psychiatrie, services médico-sociaux, services municipaux, vie associative environnante, maisons de quartier, cinéma, librairie, médiathèque,…

Si l’on considère la nécessité pour les adhérent.e.s qui le souhaitent et les animateurs/animatrices de se former à la dynamique de la vie associative et à l’accueil de personnes parfois très fragiles.

Si l’on considère l’obligation d’ouvrir les GEM un nombre d’heures minimum par semaine, ce qui oblige les salarié.e.s à se répartir les jours de la semaine et à ouvrir l’un sans l’autre – ce qui, selon les lieux, les moments et compte-tenu des situations parfois difficiles auxquelles ils sont susceptibles de faire face, est tout simplement irresponsable de la part de l’autorité de tutelle.

Si l’on considère que beaucoup d’animateurs/animatrices doivent trouver un second emploi compte tenu du caractère précaire de celui qu’ils ont déjà.

Si l’on considère que dans ces conditions, un travail d’équipe est impossible.

Si l’on considère que cette situation impossible ne peut que fabriquer chez les salarié.e.s une grande fatigue psychique – fatigue psychique incompatible avec le fait de « bien faire son travail ».

Si l’on considère que pour cette somme de travail, deux SMIC à mi-temps pour les animateurs/animatrices, et au mieux quelques AAH, RSA, revenus d’arrêts longue maladie ou de statut d’invalidité pour les adhérent.e.s, stagiaires et bénévoles qui font vivre le GEM – au nom d’une « pair-aidance » à bas prix – ne peuvent pas suffire.

Si l’on considère que le coût des loyers en continuelle augmentation qui engloutit une part importante de la subvention d’une majorité de GEM et limite généralement le nombre de salarié.e.s à deux à temps partiel.

Si l’on considère que les animateurs et animatrices, s’ils veulent développer le travail de secteur, le travail d’équipe, les activités d’atelier, la vie associative, l’autonomie des usagers, devront faire de nombreuses heures supplémentaires (forcément non-payées, au vu d’une subvention insuffisante).

Alors nous concluons qu’il s’agit là d’une situation impossible :

  • Situation impossible pour toutes les personnes qui circulent dans ces lieux et les font vivre.
  • Situation impossible pour que les travailleurs et travailleuses des GEM ne veulent plus accepter.
  • Situation impossible qui est faite à l’ensemble de la société.

Pour cela nous demandons :

Le doublement de la subvention de tous les GEM

La mise à disposition de locaux gratuits par l’Etat ou les collectivités territoriales pour les GEM

Le retrait de la loi Touraine.

Tout cela afin notamment d’augmenter le nombre de salariés, de revaloriser leur salaire, de rémunérer intervenants et stagiaires et d’acquérir un budget de fonctionnement décent à la hauteur du besoin réel de ces associations.

Afin de tisser un réseau d’entraide toujours plus dense et vivable dans nos quartiers, dans nos campagnes.

Afin de garantir un accueil digne, dans les GEM comme ailleurs (Hôpitaux, CMP, services sociaux, médico-sociaux, …)

Vous pouvez nous contacter à cette adresse mail dédiée:
gemprecaire@gmail.com

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