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11 février 2018

Nous, les intranquilles [Agathe]

Les premières minutes du film furent douloureuses. Douloureuses parce que je percevais quelque chose de l’ordre du reflet peut-être. Mais surtout parce que je voyais des hommes et des femmes que la vie, le monde avait profondément écorché. Parce que je voyais ces gens au destin brisé par un monde qui une fois les avoir cassés par ces traumatismes qui créent les psychoses, se retrouvaient à nouveau cassées mais cette fois par une forme de torture chimique, brisés par ce monde qui après les avoir usés, élimés les rejette…

Et loin de moi l’idée d’incriminer le centre Artaud, non, c’est la société qui les a détruits, et qui continue de plus belle une fois la folie déclenchée. Non, ce centre est beau, il s’escrime à faire revivre cette humanité première qui fait de nous des êtres vivants respectables et respectés. Mais on ressent aussi cette violence d’un monde qui a brisé des âmes et qui les relègue après. Heureusement, qu’il existe des lieux comme celui-là. Mais les montagnes à soulever sont hautes, tellement hautes…

Ce sparadrap chimique que la psychiatrie juge suffisant, cette torture de perdre ses sentiments, ses repères, de se noyer dans la dépression et le doute sous l’effet de neuroleptique, c’est contre tout ça que se battent jour après jour les héros du film : concernés par des troubles ou simplement soignants révoltés. Ces hommes et ces femmes assassinés par un monde qui ne les voie plus, à l’âme cabossée par le monde et leur parcours, ce film les montre avec respect, bienveillance et honnêteté. Mais il reste quand même qu’il fait mal, qu’on sort en colère de voir que des personnes, des êtres vivants, pensant et ressentant la vie comme tout le monde peut-être même encore plus fortement, sont reclus dans des îlots où certains acceptent de les considérer.

Condamnés pour s’être blessés au combat de la vie, ils sont ensemble et envisagent la lutte contre cette dépossession ultime, celle d’être un sous-individu dans un monde où seuls les héros existent. Rappelant au monde la vulnérabilité, l’humanité de tout un chacun ils attaquent par leur essence la volonté scientiste et technocratique d’un ordre qui les broie. Ils résistent, biologiquement résistants à l’ordre établi !

Et pour finir, une simple dédicace à tous ceux qui pensent que la psychiatrie manque trop de moyens économiques pour se réformer : changer de regard, respecter, rester dans l’horizontalité semble possible au centre Artaud avec peu de moyens…

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