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16 mars 2021

Schizophrène et menotté

schizophrène et menotté

Ce récit n’est qu’un point de vue personnel, le mien, sur la façon dont j’ai été traité voire maltraité. Suite à une bagarre intrafamiliale, je décide d’appeler la police afin de porter plainte au milieu de la nuit. La police débarque et écoute les versions de chacune des personnes concernées, me demandant au passage si j’avais pris mon traitement.

Le traitement qui me sera réservé me semble indigne, avec le recul, mais voici ce qui s’est passé ce dimanche.

Ils m’emmènent en toute discrétion, menottes en mains, jusqu’au commissariat du 13e arrondissement de Paris où m’attend souriant l’officier-lieutenant qui aime se faire appeler Jolly Joe.

Puis on monte à l’étage voir l’Officier de Police Judiciaire pour recevoir ma plainte.

S’en suit une mise en cellule d’attente, ils me dépouillent de mes affaires et me placent dans une cellule sauf qu’ils oublient au passage de m’informer de mes droits car pour eux ce n’est pas une garde à vue.

Je commence à m’agiter, Jolly Joe en profite pour rassurer mes camarades de garde à vue d’une nuit comme quoi je suis schizophrène, et au bout de quelques heures je repars menotté vers le Centre Médico-Judiciaire de l’Hôtel-Dieu pour une expertise psychiatrique, le tout en roulant à 100 à l’heure dans les rues de Paris, chaque freinage me produisant une douleur atroce aux mains attachées dans le dos.

Arrivés là-bas, les trois officiers de police qui m’ont accompagné sont bien embêtés d’attendre d’autant qu’il est l’heure de déjeuner. Je vois enfin un expert psychiatre qui me demande des trucs relevant du secret médical mais il me laisse entendre que je pourrais souffrir de troubles schizo-affectifs.

Une fois passé entre ces mains expertes, on me remet les menottes et on m’embarque au commissariat du 13e, cette fois en respectant les feux rouges. Et là, je reste menotté dans une autre voiture de la police-urgence en attendant un ordre venu d’en haut du commissaire pour savoir dans quel hôpital me transférer. L’ambiance est détendue, on papote des heures avec les flics en attendant les ordres, le tout avec les poignets menottés et douloureux.

Je change de voiture et on m’emmène à l’IPPP, l’Infirmerie de la Préfecture de Police de Paris. Là, je me montre hyper conciliant pour éviter la contention mécanique une fois défait de mes menottes.

La nuit se passe tranquillement et ils décident de me transférer à Soisy-sur-Seine, l’hôpital de mon secteur situé à 40 km.

Sauf que pour le transfert, ils sont obligés de m’attacher avec une ceinture de contention. Alors quand j’arrive à bon port, je me montre revendicatif cherchant des témoins qui puissent voir la façon dont ils m’ont attaché. Au prétexte de cette agitation soudaine, les infirmiers de Soisy appellent les renforts et me mettent immédiatement en chambre d’isolement et ce, pour quelques jours, une vraie torture psychique. Comme je suis conciliant, ils me laissent sortir au bout de quelques jours mais la question reste entière sur cette façon de traiter le « schizophrène dangereux », que je ne suis pas et qui ne demandait qu’à être entendu et protégé par la police.

One Comment on “Schizophrène et menotté

Grenadine
16 mars 2021 chez 11 h 27 min

C’est horrible ce qui t’est arrivé. Je n’ai jamais eu ce genre d’expérience mais je vois bien que nous sommes stigmatisés par la société. Bizarre veut dire dangereux pour certains. Et parce que l’on est « fou », on n’a pas de crédit. Mais cette folie n’est parfois qu’une intoxication aux métaux lourds, ou le symptôme de la folie d’une personne toxique de notre entourage qui a défoulé sa folie sur nous, le symptôme d’un « je n’en peux plus ».

C’est une grande injustice parce que la folie de la personne toxique ne se voit pas forcément chez elle, n’a pas de symptômes chez elle. Elle fait exprimer sa folie par sa victime… Et la société ne se fie qu’aux apparences au lieu de creuser. Nous, fous, pouvons avoir des tics, des expressions, des gestes, des mots, malgré notre volonté, … et c’est si vite interprété, jugé alors que ça pouvait ne rien vouloir dire d’autre qu’une déstructuration de la personnalité. Il n’y a pas de logique. Or la société a besoin de tout expliquer, tout juger, pour se rassurer.

Martin Luther King s’est battu pour le droit des noirs, Meetoo et MLF se battent pour le droit des femmes. Ghandi pour les droits de son peuple, dépossédés de leurs propres biens… À quand un mouvement contre la violence envers les fous? Ce n’est pas anodin que notre souffrance ne soit pas encore autant mise au grand jour par rapport aux autres groupes opprimés. Comment se défendre quand on n’a pas tous ses moyens? Quand le cerveau, outil de défense, est aussi le sujet de souffrance ? Quand on est mis à mal par une intoxication du cerveau physique ou psychologique?

Et pour en rajouter, cette souffrance est parfois invisible à l’oeil nu. Si je suis une femme ça se voit. Si je suis noire ça se voit. Si je suis fou ou folle, ça ne se voit pas toujours.

À quand un metoo pour les fous?

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