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13 septembre 2017

Comment l’asile de Fort Boyard m’a rendu fou

J’apprends hier la mise en garde par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel de l’émission qui nous a mobilisés une bonne partie de l’été : Fort Boyard et son épreuve de l’asile. Un sourire éclaire mon visage puis je reste perplexe, j’ai ruiné ma vie pour ça?

La décision du CSA: « Tout en relevant que l’épreuve litigieuse avait été renommée « La cellule capitonnée » et avait fait l’objet d’un nouveau travail de montage la semaine suivant la première diffusion, le CSA a regretté la diffusion d’une telle épreuve dans cette émission familiale et emblématique du service public. Il a estimé que la séquence en question, caricaturale et stigmatisante à l’égard des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou psychiques, portait atteinte aux dispositions précitées du cahier des charges de France Télévisions. En conséquence, le Conseil a demandé aux responsables de France Télévisions de veiller à mieux respecter, à l’avenir, ses obligations en matière de respect des droits et libertés et les a mis en garde contre le renouvellement de telles pratiques. »

Après la première diffusion le samedi 24 juin 2017, on avait réussi à mobiliser grâce à Comme des fous une bonne partie du monde de la santé mentale derrière le slogan Touche Pas à Ma Folie pour revendiquer le retrait de l’épreuve.

Les semaines passant, les vacances de chacun arrivant, on a bien vu qu’on n’obtiendrait pas le retrait de l’épreuve.

J’aurai dû en rester là et passer à autre chose, comme tout le monde, mais je n’ai pas pu, cette histoire m’avait pris trop à cœur.

Alors accroche-toi car voici ce qui s’est passé pendant que je disparaissais des réseaux sociaux.

Non, Alexia Laroche-Joubert et sa production ne m’ont ni kidnappé ni offert un chèque pour me taire, j’ai juste fini à l’asile.

Connecté non-stop aux réseaux sociaux (à consommer avec modération), j’étais épuisé de courir après les médias qui ne sont qu’une chambre d’écho cherchant à faire le buzz sans décrypter ni chercher le fond du problème.

Cette implacable raison du plus fort qui voulait qu’on ne puisse pas couper la séquence au montage, que ça coûterait trop cher, que même en mobilisant tous les médias qui existent, on n’y pourrait rien, m’exaspérait au plus au point alors j’ai eu des pensées suicidaires.

Mais non, je n’ai pas sauté d’un pont. Avec toute cette suractivité, j’avais basculé dans ce qu’on appelle un épisode maniaque.

Le suicidaire d’un soir a commencé à se sentir tout-puissant, à mettre de l’ordre dans sa vie, à prendre soin de lui-même, à se sentir bien et exister.

La frontière entre l’épanouissement et la maladie psychiatrique est difficile à tracer car j’ai commencé à déraper malgré cette vie devenue parfaite. Il y a eu ce voyage improvisé au Pays-Bas où j’ai fini une nuit en garde-à-vue puis une fois retourné à Paris mis en contention par les urgences psy malgré mon envie de dialogue et de méthodes douces. J’ai ensuite parlé de mon envie de lancer un pavé sur les psychiatres et j’ai fini attaché à nouveau dans une ambulance direction le Pavillon 7 fermé de Soisy-sur-Seine, en bref « l’asile », le vrai.

Retour à la case départ, je me retrouvais dans le même hôpital psychiatrique qu’il y a 7 ans quand j’avais déjà fait une bouffée délirante. Comme j’étais en rupture de soin (je ne prenais plus de médicaments), le fait de gober des pilules jour et nuit sans aucun suivi psychothérapeutique m’a paru d’une violence énorme.

Avale les pilules sinon c’est la piqûre. L’hôpital ce n’est pas un lieu de dialogue mais un lieu de distribution de médicaments, c’est un lieu de crise. Malgré des symptômes persistants, j’ai été libéré une douzaine de jours plus tard après être passé face au juge des libertés.

One Comment on “Comment l’asile de Fort Boyard m’a rendu fou

Virginie
16 septembre 2017 chez 11 h 25 min

Joan, avec ton blog créatif, intelligent et sensible tu as changé la vie de nombreuses fou.folles honteux et en bien !
c’est mon cas.
Merci infiniment. Tu nous as autorisé à penser, réfléchir, nous sentir compétent, publier.
Tu es différent, tant mieux. Mais bipolaire ou maniaco-dépressif ce n’est pas les mots qui te caractérisent le mieux. Sensible et créatif c’est déjà plus vrai.
Bon courage

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