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24 février 2018

Un match de folie

Parc des Princes

Par un dimanche de septembre, je me suis rendu au stade et j’ai fini le lendemain interné en psychiatrie. Voici mon récit pour tenter de mettre en mots ce souvenir vivace.

Nouvellement abonné au Paris Saint-Germain, je devais me rendre au Parc des Princes pour le match entre le PSG et Lyon. Mais en attendant, je me suis arrêté en chemin à Place de la République pour voir s’il y avait encore des débats sur la place publique. Alors que j’étais dans les couloirs du métro, j’entends une annonce prévenant que les sorties du métro sont fermées pour cause de manifestation. Je me dirige tout de même vers la sortie et, à ma surprise, les portes sont ouvertes.

Je replonge dans le métro après avoir vu une voiture de police et une forte suspicion m’envahit, j’ai l’impression que les caméras du métro m’observent. Direction le Parc des Princes, dans un métro bondé. Je prends mon temps pour sortir car je commence à croire qu’il y a des policiers en civil, ou plutôt des renseignements généraux (RG) qui m’attendent à la sortie.

Comme il pleuvait, j’attendais dans le couloir qui donnait sur la sortie avec d’autres supporters. Alors qu’arrivent les voyageurs d’un second métro, je décide de sortir. Je vois des cars de CRS, l’un des chefs me regarde sans m’interpeler, je me dis alors qu’il a dû me prendre pour un policier en civil vu que j’étais tout de noir vêtu.

Je passe un à un les contrôles avec ma carte d’abonné et je vois une policière avec un fusil mitrailleur postée sur le chemin. Je commence à croire à une menace terroriste et que la menace c’est moi.

Je décide de me fondre dans la foule et j’entame la discussion avec d’autres supporters. J’étais arrivé trop tôt et les portes du stade étaient encore fermées. Sauf qu’à un moment on entend le son d’un mégaphone qui demande s’il y a des abonnés dans la foule. Puis ils commencent à se moquer d’un jeune avec qui je parlais.

Après avoir ignoré les supporters au mégaphone, j’accède enfin à la tribune encore vide de monde. Assis impassiblement, j’écoute les chants des supporters et j’ai l’impression d’entendre mon prénom et des chants contre Daesh. Au bout d’un moment, on nous distribue des ballons de baudruche rouges et bleus, chose que je n’avais jamais vu au stade. Et puis, le speaker annonce le jeu concours qui récompense un abonné capté au hasard dans la tribune par les caméras du stade. Quand arrive la mi-temps, le supporter descend sur la pelouse pour recevoir son cadeau, sauf que ce soir là, personne n’est descendu. J’espère me tromper, j’avais sûrement la tête ailleurs car je voyais défiler dans l’escalier des personnes dont la tenue neutre me faisait penser à des policiers en civils.

Comme ils s’arrêtaient près de moi, j’ai bien tenté de les démasquer et je me souviens avoir crié « tout le monde déteste la police ». Mais la palme du déguisement revient à cet homme au t-shirt jaune qui déboula façon touriste avec des bières plein les mains alors que le match touchait à sa fin.

A la fin du match, la foule qui sortait était compacte et avançait au ralenti. J’ai eu l’impression qu’ils allaient en profiter pour m’attraper alors j’ai crié « ici c’est paris » et puis certains ont commencé à m’interpeler. N’arrivant pas à distinguer les policiers en civils ni non plus les soignants en civil, j’ai suivi le pas d’un couple qui me conseillait de ne pas haranguer la foule.

Un fois dehors, j’entends un monsieur âgé qui vociférait dans son téléphone et qui repasse devant moi quelques instants plus tard comme pour me barrer la route. Je commence à croire qu’ils sont nombreux à mes trousses et qu’ils m’encerclent à distance, soit devant, soit derrière, pendant que je me dirige vers le tramway. J’interpelle deux jeunes couples qui semblent s’être déguisés en supporters pour se fondre dans la masse, puis me sentant pris au piège, je me mets à courir pour les dépasser. Je m’arrête alors devant le passage piéton à quelques mètres du tramway quand je vois un homme barbu enlever ses écouteurs, s’approcher en courant et me mettre un coup de poing qui fait voler mes lunettes en éclat. Je me mets au milieu de la chaussée devant les voitures qui arrivent à toute vitesse quand un homme m’aide à ramasser les lunettes puis disparaît à son tour.

Avec une douleur et un bruit sourd dans l’oreille, je me dirige vers le tramway. Comme il est plein à craquer, je le laisse partir et j’attends le départ du prochain. Je m’assois à côté d’un homme âgé qui a plus l’air d’un sans abri que d’un policier et je me mets à lui raconter l’histoire pendant la dizaine de minutes à attendre puis le long du trajet en tramway où j’ai l’impression que les policiers en civil sont présents. Je descends du tramway et j’arrive chez moi après avoir croisé trois personnes qui ne semblent pas être là par hasard.

Puis je décide d’aller dans la nuit aux urgences car j’ai mal. Au bout d’un moment, je retourne en salle d’attente et là je vois le monsieur du tramway blotti dans un coin qui fait mine de ne pas me reconnaître.

Je suis alors les soignants qui décident de m’attacher avec des sangles. Après quelques heures, ils me font passer un scanner et m’envoient en ambulance direction l’hôpital psychiatrique où je confonds certains patients et soignants avec des infiltrés de la police. Vu mon agitation, je suis placé en chambre d’isolement où ils m’injectent une dose d’Haldol avec les renforts. Mauvaise dose car je suis emmené une semaine plus tard en réanimation et que je ne garde aucun souvenir de cette semaine en isolement.

Joan

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