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26 juin 2018

Quand j’étais immortel

immortel

Porté par une énergie folle, je ne fermais plus trop les yeux depuis quelques jours.

Au bout d’un moment, j’ai senti que je n’avais plus besoin de cligner des yeux. Les yeux grands ouverts, je m’aventurais dans la rue. Je m’arrêtais devant la vitrine d’une librairie fermée et je lisais les extraits des livres exposés. Un sentiment de mélancolie m’envahissait devant ces leçons de sagesse qui me rappelaient que tous ces auteurs étaient morts.

Mais la sagesse des morts m’était devenue étrangère, ces livres n’étaient que feuilles mortes, je ne voulais pas lire les morts, je voulais vivre la vie présente. Alors je détournais ma vue de ces livres et j’observais les reflets des passants avant de me retourner pour observer la drôle de façade de l’immeuble d’en face. Très joliment ornementée, mes yeux suivaient un chat qui allait de fenêtre en fenêtre.

Je remarquais alors la plaque qui commémorait un habitant illustre, sûrement un écrivain dont j’ai oublié le nom et je me rappelais qu’une fois j’avais essayé de compiler tous les personnages illustres qui avaient donné leur nom à une rue de Paris. Tous ces morts nous ont laissé des plaques de rues à défaut d’avoir laissé des livres.

Depuis quelques minutes, j’étais devenu immortel. Moi, je n’allais plus mourir. Je pourrais lire les morts mais je préférais continuer mon chemin d’autant que j’avais rendez-vous dans une galerie de street-art pour une dédicace.

Pendant le temps de l’immortalité, je me souviens que je prenais mon temps, je marchais d’un pas lent pour observer la vie en détail.

Je me disais que les gens habillés en noir devaient être bien tristes tout comme ceux qui cachaient leur yeux derrière des lunettes de soleil quand il n’y avait pas de soleil.

Je regrette l’insouciance qui accompagnait mon immortalité ainsi que cet élan vital.

Tuer la mort quand on a peur de mourir est une solution assez radicale. Il faut être bien fou pour croire qu’on va échapper à la mort.

Je me demande si être immortel parmi les mortels, ce n’est pas être déjà mort parmi les vivants.

Avoir le privilège de ne pas mourir, ça doit être difficile à porter à la longue et il vaut sans doute mieux être égaux face à la mort plutôt que de vouloir être autre.

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