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10 juin 2020

Le fou comme icône de la résistance à la réification [Agathe]

Être fou est-ce être soi ? Si, être fou s’avère bel et bien être hors des normes d’une société qui s’est historiquement donné les moyens de réifier l’être humain. Si, le fou s’avère non plus être le magicien dans son onirisme effrayant. Si, le fou n’est plus l’idiot non doué de raison logique noyé dans un pathos sans horizon intellectuel. Si, le fou est devenu l’artiste méconnu et mal connu, il semble bien être celui qui résiste biologiquement, instinctivement, viscéralement à la réification qu’impose des sociétés trop grandes aux petits êtres que nous sommes. En ce sens et si on admet ça, le fou est bel et bien celui qui cherche à se défendre par sa nature résistante à une programmation historique, civilisationnelle et spatiale à une réification inévitable dans les groupes humains étendus.

Biologiquement résistant au traitement sociétal, le fou par nature contre-réifié, est l’un des rares à avoir cette opportunité de vie de devenir lui-même sans se construire dans un usine à individus semblables. En acceptant son statut de marginal de ce système groupal étendu, le fou a le temps, parfois l’argent dans certains pays, d’agir pour devenir lui, permettre aux autres de devenir eux-mêmes en leur redonnant estime d’eux-mêmes dans leur condition marginale, pouvoir d’agir et envie d’action sur ce qui l’entoure. Et même si on ne peut agir que sur ce qui nous entoure directement, le fou s’est dans son histoire de vie l’opportunité biologique de résister aux oppressions systémiques. Reste à sa charge l’opportunité intellectuelle de résister volontairement à ce système qui l’a mis en marge par excès de clairvoyance.

Et si, on admet tout cela, on arrive à la folie comme l’un des paradigmes de la santé mentale. Le bien-être psychique s’apparente à la capacité qu’ont les uns et les autres de rester dans la vie réelle et non de se réifier existentiellement comme simple outil-rouage d’une mécanique systémique, pour un salaire ou une fortune, mais bien d’admettre ce choix de la vie biologique de l’exclure réellement de la mécanique d’un système sociétal qui fabrique des individus semblables et admettre comme choix dans son esprit conscient ce choix de son inconscient, de sortir d’une vie sociétale inadmissible parfois, et d’être résistant à un ordre qui nous sort tous de la vie réelle. Tel l’enfant, tel le trop vieux, tel l’adolescent sans place sociale, l’artiste, le génie connu ou méconnu, le boulanger, la nounou, la femme de ménage, évoluant tous dans de petits univers de vie de proximité. Le fou a su rester dans une forme de réalité du « Small is beautiful », dans la réalité d’un mode de fonctionnement du monde matériel et humain accessible et admissible pour notre petit esprit. En conséquence, le fou est dans la réalité de ce qu’il est, quand le normalopathe est dans une forme de réification mortelle de son être. Le fou reste résistant à l’oppression systémique quand le normalopathe est s’est matérialisé lui-même en outil d’une mécanique sociétale.

En conséquence, faut-il adapter les hommes au fonctionnement d’un système en les fabriquant par des institutions réifiantes d’outils humains qu’ils pensent encore ou non ? Ou, faut-il réifier un système capisticalico-productif par les personnes qui y sont enserrés ? Peut-on imaginer un monde où le fonctionnement sociétal serait une production humaine d’un groupe et non la recréation constante du même phénomène abêtissant de fabrique d’individus en conserve ayant pour objectif la conservation de leur fabrique ? Peut-on encore penser qu’hors de la marginalité du fou, la perception du monde tel qu’il est réellement s’envisage encore ? Si oui, le fou est bel et bien l’idiot. Si non, il est bel et bien le prophète sans pays.

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