Ma puce, ta tata est bipolaire [lucie_ptit_lu]

Salut ma poupette, tu es ma première nièce.

 

Tu es l’enfant qui a sa tata bipolaire.

 

Je suis sûre que je serai une bonne tata avec toi. J’ai le feeling avec les enfants. En même temps, parfois j’ai l’âge mental d’une fillette !

 

J’aime jouer et j’ai un humour pipi caca assez prononcé. J’ai un monde imaginaire tellement immense que je peux naviguer dans le tien et t’embarquer dans le mien.

 

Tu vas avoir une belle vie, ma poupette, tu es jolie, intelligente, drôle, combative. Tu es très aimée par ta famille et entourée. Je suis désolée de te l’apprendre, si tu étais née moche et sans le reste, tu aurais eu franchement du mal à être acceptée. Je t’expliquerai plus tard, si un jour toi aussi, tu veux les protéger.

 

Je ne pense pas qu’un jour tu me verras en dépression ou en crise. Presque 10 ans déjà, ma poupette, qu’on m’a diagnostiqué et tu sais, je ne suis pas resté les bras croisés. Quand bien même, je t’expliquerai sans détour. Parce que pour pouvoir expliquer mon trouble, il me suffit de l’assumer. Je ne sais pas si la société aura assez le temps de changer de regard sur la folie quand tu seras en âge de me juger. Je suis sûre qu’on va passer des moments très chouettes et que mon handicap invisible tu ne le verras pas. Sauf si ta famille te met au courant sans me demander mon avis. Je les pardonne d’avance, tu sais. On pardonne toujours à la société ce qu’elle fait de nous.

 

Je ne pensais vraiment pas le dire un jour, ma poupette, que je suis fière d’être bipolaire. Vraiment pas. Fière d’être bipolaire ? Mais pourquoi ? Je n’ai pas travaillé pour l’être. C’est comme si je devais être fière de la couleur de mes cheveux. Je ne me suis pas levée un matin en me disant « Je suis fière d’un diagnostic que je n’ai pas demandé à avoir ! ». Mais je suis fière de ce que j’en fais. Même si tu m’aimes, ne te mets pas en porte à faux avec tes petites copines et copains. Ne me défends jamais, tu te feras détester. Ils te le diront aussi, que les gens sont fous, bipolaires, schizophrènes, malades mentaux, débiles, sans savoir ce dont ils parlent, et sans volonté consciente de blesser. Enfin, si, ils l’emploient comme une injure. Ne te sens pas obligée de leur dire qu’ils ne connaissent pas la réalité derrière. Je ne le fais pas moi-même. Laisse-les parler.

 

Le premier principe que j’aimerai t’inculquer pour t’éviter des séances de psychologie future provient d’Einstein. La connerie humaine n’a pas de limites. Si tu t’attardes sur chaque injustice, chaque méchanceté, et sur leurs bêtises, tu n’en auras jamais fini. Ils se moqueront de toi, et des autres dès la maternelle. La connerie de leurs parents sera déjà dans leur bouche. La haine, la peur, le rejet, le jugement. Passe outre et pardonne-les autant que tu peux, mais ne te laisse jamais faire. Un jour tu comprendras que je faisais exprès d’être bête en jouant aux gommettes avec toi. Je voulais voir comment tu m’expliques ta pensée. Je faisais aussi exprès de donner les mauvaises réponses à ton jeu. Je mets les carrés dans les ronds et je mets les cœurs hors des cases. Je veille dès maintenant à ce que tu sois empathique envers ceux qui seront des carrés dans des ronds. Quand je coloriais, je faisais exprès de dépasser pour étudier si tu voulais que je rentre dans le moule. Je veille déjà par des actions anodines, à ce que tu ne t’enfermes, ni toi, ni les autres, dans un système que l’on n’a pas créé.

 

J’ai toujours fait exprès d’être folle pour faire rire les enfants, et même les adultes ! Si seulement ils savaient ce que je pense de la folie. La vraie folie tu la côtoieras malheureusement tous les jours. À l’école, au travail, dans la rue, à la T.V… Pardonne à l’avance cette société qui ne sait pas intégrer ses fous. La vraie folie, ma puce ? L’absence d’humanité. Tu sais, ce dont tu dois te méfier, c’est de la bêtise. Peut-être que si les humains se reproduisaient moins il y aurait moins de bêtise. Oui, t’as beau être une fillette qui apprend seulement à lire et à parler, tu dois connaître déjà quelques principes et je ne mâcherai pas mes mots. Ma propre tata m’a appris qu’il fallait parler aux enfants comme aux adultes. L’erreur commune c’est d’attendre qu’ils aient l’âge. Les enfants ont l’âge pour vivre leurs émotions, donc ils ont l’âge de comprendre. Ils ont besoin qu’on nomme ce qu’ils ne comprennent pas.

 

Tu sais, les enfants portent souvent la peine de leurs parents. Les parents ne le savent pas, ni qu’ils ont de la peine, ni que tu l’éponges. Un enfant veut toujours aider son parent. Je préfère que tu portes ma joie. Et si un jour tu portes un peu de ma peine, je porterai un peu de la tienne. J’ai tellement hâte de t’expliquer la vision que j’ai de la vie ! En plus, j’ai le beau rôle. La Tata cool qui n’aura pas besoin de te mettre des limites, avec qui tu pourras être totalement toi. Comme j’aurais aimé être avec l’enfant que je n’aurais peut-être jamais. Y a une phrase qui dit « les enfants c’est comme les pets, on ne supporte que les siens ». T’es mon petit pet à moi. Roh non… La psychologie actuelle nous sermonne en nous disant qu’il ne faut pas donner ce style de surnom à ses enfants, que plus tard ça leur créera des névroses. Tu sais, ton père m’appelle ma petite crotte et je trouve ça assez amusant. Purée, ma puce, qu’est-ce qu’ils sont chiants avec tous leurs principes !

 

La bipolarité ne sera jamais un tabou chez moi. Pose-moi toutes les questions que tu veux et c’est avec assurance que je te répondrai. Que c’est une réalité ! Avec une de mes maximes préférées : « On s’en fout un peu non ? » En serais-je moins douce à tes yeux ? En serais-je moins forte à tes yeux ? En serais-je moins belle à tes yeux ? En serais-je moins drôle ? Serais-je une personne à cacher, tu crois ? C’est toi qui me le dira. Je te le promets aujourd’hui et pour demain, je les ferai tous mentir.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Fais-moi signe – Hoshi