Réflexions partiales sur A la folie de Joy Sorman [Valérie Korn]
Joy Sorman va pendant un an, tous les mercredis visiter un hôpital psychiatrique. C’est une enquête sur le terrain qui a pour but de témoigner de la vie dans cette institution.
Ce livre est bien sûr subjectif car il n’est pas fait de chiffres et de statistiques mais d’une rencontre entre une écrivaine et les protagonistes d’un hôpital psychiatrique.
Il y aurait beaucoup à redire sur cet hôpital ; d’abord que c’est un lieu fermé, donc les patients qui y résident ont des troubles profonds, puisque certains comme Franck y résident depuis 37 ans.
On pourrait critiquer cette vision en disant qu’aujourd’hui la plupart des hospitalisations ne se font pas à vie mais sont plutôt de courte durée. Les « patients » psychotiques ayant très souvent un « chez eux » que ce soit dans une demeure privée ou un foyer thérapeutique. Il y a en effet eu un mouvement de dépsychiatrisation dans les années 70 qui a renvoyé les psychotiques dans la société avec un suivi notamment dans les CMP.
Quid des névrosés en clinique qui font une dépression ? Aujourd’hui on entend le terme de burn-out partout, symptôme d’une société malade?
Un terme revient souvent dans ce livre, c’est celui de folie. Peut-être est-ce ainsi que l’on définit ceux qui ne seront pas « récupérables » pour la société.
C’est peut-être l’écueil de ce livre, de montrer ce qui depuis toujours a fasciné le public chez les « fous », ces comportements incompréhensibles: hallucinations, violences envers soi et les autres.
Peut-être pour dire que cette « folie » est de l’autre côté, que les bien-portants n’en seront jamais atteint, bref pour se rassurer.
Mais quid de la souffrance. Y aurait-il une souffrance « saine », celle qui fait qu’un jour un névrosé attente à ses jours parce qu’il vit un événement insupportable et une souffrance « folle » celle qui s’exprime de façon incompréhensible pour le commun des mortels ; en est-elle pour autant injustifiée?
La question qui se pose à notre société est : allons-nous continuer à rejeter ces » fous » en dehors de l’humanité ou allons-nous essayer d’appréhender ce qui fait qu’un jour un humain bascule hors de la réalité.
Il y a clairement un choix plus difficile que l’autre.
C’est vrai que le discours ambiant est de dire que cela est une question de gènes et d’hormones. Ah bon il y aurait un gène du bonheur…. N’est-ce pas là plutôt le fantasme de savants fous…
Ah qu’il est dur de renoncer à son fantasme de toute puissance et de reconnaître sa condition humaine…
Certes les traitements hormonaux ont calmés des douleurs psychiques et il n’est pas question de critiquer le soulagement qu’ils ont pû apporter aux patients.
Mais qui voudra regarder en face la question du sens de la vie, de son existence, de son désir. (Les scientifiques ne savent pas répondre à ces questions et d’ailleurs on ne devrait même pas la leur poser) et pourtant elles se posent aux psychotiques comme aux autres.
Je tiens cependant à rendre hommage à cette écrivaine. Elle s’est impliquée réellement dans cette immersion dans la folie, et ce qui est rassurant c’est qu’elle réussit à poser plus de questions que de donner des réponses définitives. Il y a là une vraie réflexion politique qui est tout à fait pertinente et en tant qu’ex pratiquante de ces hôpitaux psychiatriques je l’en remercie. Je ne connais pas ses autres livres mais je sais que j’ai lu une humaniste et je sais ce qu’elle dirait des conditions de vie dans les prisons, dans les banlieues, tous les laisser pour compte de la société. Après tout on a ce qu’on mérite dans la vie…
Peut-être un jour la société essaiera-t-elle de répondre à ces questions, mais pour l’instant force est de constater qu’elle est dans le déni… On dort plus tranquillement sur ses deux oreilles en étant indifférent à la souffrance du monde…Même quand c’est la souffrance de son voisin.