« Métamorphoses chimiques du sujet », Carlos Parada
Une autre histoire de la psychopharmacologie
Résumé: L’immense majorité des études sur l’histoire de la psychiatrie se consacre à une période qui débute à « l’âge classique » et finit à la fin du XIXe siècle. Notre analyse historique, aborde la production de la médecine mentale au cœur du XXe siècle.
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les propriétés de multiples substances supposées agir sur l’esprit furent intensément explorées, analysées, codifiées et instrumentalisées. Nous verrons comment initialement ces substances visaient surtout l’exploration d’une vérité supposée du sujet par l’induction de la parole.
Nous aborderons ensuite la généalogie et les particularités des expériences avec la chlorpromazine, dite neuroleptique. En quelques années, ces expériences ont forgé de nouvelles pratiques et de nouveaux discours sur le pouvoir des drogues, sur la maladie mentale et sur le sujet, qui perdurent jusqu’à nos jours au moins sous deux formes : une disciplinaire, la psychopharmacologie et l’autre transgressive, la toxicomanie moderne.
Aujourd’hui, les substances psychoactives et leurs effets traversent une crise. Leurs promesses d’efficacité et leurs postulats s’essoufflent. Une neuroscience d’un néo-localisationnisme marqué par l’imagerie de sièges et de circuits cérébraux semble alors prendre le relais.
Cet article tente d’expliciter comment et en quoi consistent ces transformations qui, bien au-delà de la psychiatrie moderne, ont profondément marqué les hypothèses, les pratiques et les représentations, tant de la maladie mentale que de la construction du sujet contemporain.