Marseille, capitale du Rétablissement
« Le séjour à Marseille m’a formé le caractère. Je suis disposé à prendre tout en gai et je guéris de la mélancolie. » Stendhal
Un nouveau paradigme
Le concept de rétablissement (recovery) est né dans les suites du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis, au sein du mouvement des usagers de la psychiatrie qui publiaient des comptes rendus de leur rétablissement de maladies mentales graves, communiquaient dans des conférences, prenaient la parole face aux politiques et aux professionnels soignants afin de contribuer au changement, de formaliser le concept et faire connaître cette conception positive du devenir de la personne vivant avec un trouble de santé mentale.
« Le rétablissement est un processus individuel et collectif de sortie de la maladie de personnes expérimentant des troubles psychiatriques sévères. Il s’oppose à l’idée courante d’incurabilité de la psychose. Il intègre le fait que les personnes atteintes de troubles psychiatriques doivent à la fois se rétablir des symptômes de la maladie, mais aussi des conséquences sociales négatives liées aux représentations de la psychose. » Alain Karinthi
Ce mouvement a mené, dans les pays concernés, à une véritable transformation de l’offre de soins, avec un nombre croissant de politiques nationales de santé mentale centrées aujourd’hui de manière explicite sur le rétablissement (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande). Il s’affirme aujourd’hui en France comme un modèle offrant de nouveaux espoirs pour les personnes vivant avec un trouble de santé mentale.
La nouvelle approche basée sur le rétablissement réintroduit de manière résolue, voire militante, la notion d’espoir dans le monde de la psychiatrie, une approche pragmatique qui influence directement le contexte de vie des personnes sans se focaliser sur la dimension bio-médicale de la maladie.
Le rétablissement remet en question l’hypothèse pessimiste, encore répandue aujourd’hui y compris chez de nombreux professionnels, selon laquelle il s’agirait de maladies de longue durée et chroniques avec au mieux une stabilisation des symptômes, et considérant l’usager comme un récipiendaire passif de soins spécialisés médicaux et sociaux à long terme.
Le mouvement du rétablissement à Marseille
C’est à Marseille que va s’ouvrir, sous l’impulsion de l’association Solidarité Réhabilitation, le premier Centre de Formation au Rétablissement de France, un centre de ressources documentaires sur le modèle du Recovery College avec des modules de formations et des groupes d’auto-support par et pour les personnes concernées.
Le groupe PAIR (Plan d’Actions Individualisé au Rétablissement) est organisé par le collectif Eutopia un vendredi sur deux de 15h à 17h au Théâtre de l’Oeuvre de Marseille (prochain rendez-vous le 28 avril 2017).
Le PAIR, librement inspiré du WRAP© (Wellness Recovery Action Planning) s’appuie avant tout sur l’échange de conseils de bon sens, et sur l’expérience vécue.
C’est un outil de défense de ses droits, de rétablissement mis en place depuis plusieurs années par des personnes rencontrant ou ayant vécu des difficultés liées à leurs émotions et leurs comportements.
À quoi sert le PAIR ?
Le PAIR est un outil que chacun.e peut mobiliser à un ou plusieurs moments de sa vie afin, notamment, de :
- se sentir mieux ;
- surmonter des difficultés passagères ;
- éviter la survenue de « crises » ;
- améliorer sa qualité de vie ;
- Élaborer son plan de crise et ses directives anticipées.
Le Lieu de Répit, porté par l’équipe MARSS (Mouvement et Action pour le Rétablissement Social et Sanitaire), est un autre exemple de cette psychiatrie alternative.
Le rétablissement n’est possible que dans un contexte où l’individu peut être acteur de sa propre vie, de ses soins et où il lui est possible de s’engager dans un travail ou des activités significatives dans la collectivité. Le travail peut devenir un levier du rétablissement et c’est l’objectif du programme Working First 13 qui accompagne les personnes vivant avec un trouble psychique vers l’emploi en milieu ordinaire .
Cela suppose aussi que les services psychiatriques soient organisés de manière à ce que cette inclusion sociale devienne possible. Il s’agit de créer et d’assurer un contexte de soins et de soutien dans lequel la personne concernée puisse retrouver la confiance en soi, l’estime de soi, l’espoir d’un avenir riche et positif, mais également la confiance et le respect d’autrui, de sa famille, de ses proches, de ses collègues, de son quartier ; il s’agit pour elle d’apprendre à s’adapter au fur et à mesure aux défis auxquels elle doit faire face, de trouver de nouvelles façons d’« être au monde ».
Les professionnels se doivent de fonctionner comme des guides et rendre accessible les ressources disponibles dans la cité, et lever les barrières au rétablissement.
C’est pour penser ces nouveaux modèles d’interventions qu’a été créé le DESIU « Pratiques orientées autour du Rétablissement », une formation qui sensibilise les acteurs à ce nouveau paradigme et à ses enjeux théoriques mais surtout pratiques.
Dans ce contexte, un nouveau métier émerge : les travailleurs pairs dits aussi médiateurs.
Ce sont des personnes qui ont l’expérience de la maladie et de ses conséquences, couplée à celle du rétablissement. Ils utilisent ce savoir issue de leurs expériences de vie pour aider des personnes qui ont des problèmes similaires. A Marseille, vous les trouverez dans les équipes de soins orientées rétablissement et animant des groupes d’entendeurs de voix.
Même si la psychiatrie traditionnelle a encore du mal à leur faire une place, l’alternative est en marche!
Merci à Céline, Nico, Julien, Aurélie, Emma, J-R, Marianne, Anne, Julie, Caroline, Christophe, Zoélie, l’équipe de Radio-là et tous les autres pour leur accueil chaleureux!