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9 septembre 2023

Parution d’Abolir la contention

« La contention mécanique n’est pas un soin, elle n’a pas de dimension thérapeutique. Elle est une mesure de contrôle, une pratique d’entrave et d’immobilisation. »

Le propos du livre de Mathieu Bellahsen paru chez Libertalia est de montrer que la contention n’est pas un soin. Il commence fort avec les témoignages de personnes qui ont vécu la contention dans leur chair, prouvant unanimement son caractère traumatique. En tant que psychiatre, l’auteur se garde bien d’utiliser le mot « torture » et préfère le concept d’anti-soin.

Ce livre écrit semble-t-il en vitesse démontre l’habileté de l’auteur à débiter des concepts, qui sont quasi des slogans de manif, et à démonter ses « adversaires » pour qui la contention reste un soin, avec des tournures de phrases parfois cinglantes. Parmi ces concepts, teintées de psychanalyse et de phénoménologie, la notion de « témoin intérieur » : la contention qu’on l’ait subi ou non, réveille en nous un degré de malaise, on ne peut pas ne pas éprouver dans notre corps la souffrance d’autrui.

Il s’agit aussi d’être clair, la contention est antinomique avec le concept psychanalytique de contenance, immobiliser quelqu’un avec des sangles n’est pas contenant pour sa psyché, au contraire.

L’auteur invente le concept de « culture de l’entrave » présente dans l’imaginaire collectif à l’image de la culture du viol et la culture de l’inceste. L’abolition est la façon de lutter contre le « système contentionnaire » qui empêche de penser le soin autrement.

On comprend rapidement qu’abolir la contention ne rime pas avec abolir la psychiatrie. L’antipsy apparaît en filigrane mais plaider pour l’abolition de la psychiatrie est pour lui une impasse. Il cite Zinzin Zine, le livre Charge de Treize comme des exemples d’autodéfense ainsi que la perspective antipsychiatrique de l’Agidd-SMQ qui œuvre dans les politiques publiques de santé mentale au Québec. Il faudrait s’émanciper collectivement, mais pas de la psychiatrie.

Il essaie de désamorcer la haine des blouses blanches et défend l’idée que la psychiatrie reste nécessaire dans les cas où la personne n’est plus en mesure de consentir.

Des vignettes de cas cliniques viennent illustrer concrètement des moments d’interaction humanisante qu’il a eu à l’HP dans des situations de détresse extrême avec des personnes qui semblaient incontrôlables. Tout comportement ou délire a un sens, et malgré l’angoisse extrême du patient, le contact est toujours possible si on en prend la peine et le risque.

Mathieu Bellahsen se veut un héritier d’une bonne psychiatrie, celle qui vient en aide aux plus fragiles, d’une psychiatrie publique malmenée, d’hôpitaux où les portes des services restent ouvertes. Ainsi, il existe des hôpitaux exemplaires comme celui de Laragne (vers Gap), où la contention est proscrite et le recours aux chambres d’isolement limité et non pas systématique. La bonne psychiatrie a aussi un nom pour l’auteur, la psychothérapie institutionnelle, et lui-même s’inscrit dans la lignée des médecins progressistes de l’après-guerre : Tosquelles, Bonnafé, Oury, Chemla. Cette psychiatrie de la relation humaine en opposition à la fake psychiatrie qu’il nomme cérébrologie. Il s’agirait de faire renaître les pratiques humanisantes et socialisantes.

Face au corps psychiatrique (comprendre tous les responsables d’hôpitaux et professionnels qui ont un pouvoir sur les personnes psychiatrisées), l’auteur, bien qu’il fasse partie de ce corps, en appelle à l’autodétermination des personnes psychiatrisées car le discours des soignants en demande de moyens est devenu inaudible. Il se veut un allié des psychiatrisé.es, survivant.es et usagers au service d’une psychiatrie critique qui respecterait enfin les droits fondamentaux.

On devrait semble-t-il accepter que la psychiatrie, l’HP, les chambres d’isolement et les traitements médicamenteux resteront là, même si on abolit la contention. Il s’agit de nous réconcilier avec la psychiatrie et de participer activement à une psychiatrie critique, notamment en intervenant dans la formation des professionnels. Une perspective à laquelle devraient adhérer à minima les pair-aidants et les associations d’(ex)usagers et de proches.

En conclusion, il en appelle à une coalition entre psychiatrisés et alliés pour faire tomber la contention tout en réclamant aux instances internationales d’œuvrer dans ce sens, à travers des travaux de recherches, des indicateurs, des statistiques, de visibilisation des bonnes pratiques à travers le monde.

Abolir la contention est une lecture éprouvante par séquences mais, dans son ensemble, c’est un ouvrage essentiel pour secouer les imaginaires, surmonter l’impuissance collective et faire bouger les politiques publiques.

Joan

Les références de l’ouvrage en question : Abolir la contention de Mathieu Bellahsen.
Ed. Libertalia, 216 pages, 10 €. Parution le 31 août 2023.

https://librairielibertalia.com/web/abolir-la-contention.html

 
 
 
 
 
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