« Ma schizophrénie, mon sevrage »
Bonjour,
En 1981, suite à des manifestations qualifiées de « bizarres » par la science psychiatrique ( j’ai senti que l’on me touchait, alors que la personne à qui j’attribuais ce contact n’était pas présente), j’ai commencé à entendre des sons sourds, venus d’autour de moi, de l’invisible.
Ces hallucinations auditives se sont amplifiées, et sont venues s’ajouter des hallucinations visuelles, une paranoïa, un délire érotomaniaque.
Ce fut atroce de douleurs psychologiques.
Je précise que je ne prenais aucune substance, ou drogue.
En 1983 une personne de ma famille m’emmena au cabinet d’un neuropsychiatre, et à partir de cette visite, je pris des neuroleptiques, et fus suivie, par des spécialistes
Les neuroleptiques, puis antipsychotiques, n’ont jamais totalement supprimé les voix, les hallucinations. J’en ai pris beaucoup
Je ne savais pas que j’étais « malade mentale », ni schizophrène, je ne l’ai appris qu’en 2003, par déduction. Pourquoi ne m’a-t-on rien dit ?
Pourquoi me « traita »- t-on, d’emblée, chimiquement ?
A partir du moment où l’on m’a donné ces drogues, c’en fut terminé de mon cerveau, de mon intellectualité. La lumière s’est éteinte.
J’étais très fière de moi, car, disais-je, bien obéissante : « je prends bien mes médicaments »..
Oui, la psychose fut un ravage, et me tua, à 23 ans, avec ce déclenchement des voix. Mais auparavant, j’allais bien. J’étais un peu ermite,mais complexée physiquement car mesurant depuis très jeune 1, 80 m.
Ma personnalité, affirmée, fut mise à mal dès le plus jeune âge.
A mes yeux, ce sont des traumatismes d’enfant et d’adolescente, qui s’acharnèrent à me faire sombrer dans la folie, et non pas une origine cérébrale, qui aurait prédéterminé celle-ci. N’en déplaise au « Tout scientifique » qui ne jure que par les neurones. Je pourrais, en privé, vous disséquer comment et pourquoi je suis devenue psychotique, par des causes psychologiques
Donc, à partir de l’âge de 25 ans, en 1983, suite à la visite chez le neuropsychiatre, je sombrai dans l’oubli. Sous chimie. Finie, la vie. Fini, faire partir du normal. Normal qui mène, observe-t-on, à beaucoup de folie, de folies, pourtant.
Les guerres, les drames, sont commis par des gens « classés » normaux.
Le combat intérieur est en chaque être humain, et tant que la guerre sera de soi à soi, et non résolue intérieurement, aucune paix extérieure ne s’installera. Les guerres contre soi-même, sont l’origine de celles commises entre nations. Les personnes dites normales, qui se cherchent et qui cherchent, expriment et explosent leur guerre intérieure, en guerres.
Pourquoi donc jeter la pierre aux malades mentaux, tout autant dans une lutte, et une quête éperdues, mais ouvertes car leur psychisme est déchiqueté et leur inconscient étalé-là, devant leurs yeux exorbités, qui voient ce qui est caché aux normaux, et refoulé par ceux-ci, ce qui les sauve, eux, de la folie.
Comment comprendre, que les guerres soient qualifiées de norme, alors qu’un malade mental va, lui, être rejeté, et mis sous contrôle, en raison d’idées qualifiées d’excentriques. Quel est donc ce centre que tout le monde s’arrache ?
Je parviens désormais à réfléchir, et je le dois à mon sevrage médicamenteux qui a duré dix longues années. J’en suis à la dixième, et c’est vraiment encore très pénible.
J’ai observé, depuis le tout début de ce sevrage commencé en août 2009, une naissance de moi-même, car, sous camisole chimique, j’étais morte. Mais peu à peu, en diminuant les doses, je me découvrais être pensant, et réintégrais enfin, presque, mon statut d’humaine.
Je constatai, au fil des ans, au fur et à mesure de la suppression des molécules, que ces dernières avaient bloqué tout mon fonctionnement existentiel, tout. Avec le sevrage mon psychisme ouvrait enfin les vannes, et j’entendais sortir de ma tête, mais non en délire, des flots de mots, de paroles, caractéristiques de mes traumatismes, et de ma psyché. Enfin, enfin ! Tout ce que la camisole chimique avait camouflé par son action, était libéré.
Le travail de remises en question, que tout être fait ou a la possibilité de faire, n’avait pu être assumé, car freiné, empêché par ces antipsychotiques, donnés par ailleurs trop systématiquement, sans hésitations, sans recherche d’alternatives.
Un changement arrive, mais encore trop souvent, j’entends, que les personnes dans ma situation, doivent bien prendre leurs médicaments à vie car, est-il dit encore, à tort, nous sommes incurables. Ces affirmations sont discutables, et peuvent être prononcées par des personnes soignantes qui ne veulent pas revoir leur idées, car cela équivaudrait à contester tout ce qu’ils ont appris sur les bancs de la faculté, et considérer que leurs professeurs et leur savoir, ne …savaient pas si bien que cela. Ou pas assez.
Les antipsychotiques rendent chronique la psychose, qui disparaîtrait sans eux.
J’ai mis dix ans, à me sevrer, dix ans.
Déjà, pendant mes décennies sous antipsychotiques j’ai subi les conséquences de leurs effets secondaires.
Mais lorsqu’il s’est agi de subir les conséquences du sevrage, ce fut difficile, et cela continue, car des reliquats demeurent.
J’aimerais ajouter une chose, non des moindres,.. ; Vous n’aiderez pas les schizophrènes, ni ne trouverez les raisons de cette crise psychique, si vous ne vous situez pas dans une vision plus abstraite
La psychiatrie est trop cartésienne, et ne laisse aucune place à un intangible qui permettrait pourtant l’accès à un meilleur entendement de ce qui est, à mes yeux et aux yeux d’autres personnes non schizophrènes, non pas une maladie mentale, mais un chemin de vie, sorti d’un cadre posé comme la norme. Selon quels critères ?
Ces normes sont faussées par des jugements de valeur, qui ne tiennent pas compte de l’âme, de l’esprit, en tant que vecteurs d’un réel autre, mais tout aussi valable. Car un réel de schizophrène, coupé est-il dit, de celui des dits « normaux » est l’autre face de la médaille, donc fait partie de la médaille.
Mon psychisme éclata, effectivement. Mais les médicaments chimiques n’ont jamais, jamais recollé les morceaux du puzzle. C’est par mon sevrage de ces substances, que je réussis laborieusement à recoller les morceaux.
J’ai trouvé en la personne d’une médecin homéopathe, la compréhension, et l’aide au sevrage, puisque ce dernier, je le confirme, ne doit pas se faire du jour au lendemain et il faut être accompagné.
KERIDWEN