La folie est une construction sociale
La folie est une construction sociale et un outil d’oppression psychophobe.
Retranscription du post « La folie est une construction sociale » du compte Instagram DeepTalkfr tenu par Kaina Djaé.
Définition de la psychophobie développée par Kaina Djaé :
Discrimination et oppressions à l’encontre des personnes qui ont, ou qui sont étiquetées ou perçues comme ayant une maladie mentale.
La psychophobie est une forme de validisme où un jugement de valeur est posé sur les capacités mentales, le respect des normes sociales dominantes, l’intelligence, les comportements, l’âge, la communication, l’apparence et la culture d’un.e individu.e.
Qu’est-ce que la folie ?
La folie est un terme polysémique mais globalement elle représente la marginalité, l’anormalité, l’irrespect des règles sociales établies.
Dans son sens philosophique la folie est définie comme l’incapacité pour une personne de penser, d’agir et de se comporter comme les autres.
Ce stéréotype tend à regrouper toutes les pathologies psychiques en une forme unique, une espèce commune, connotée négativement.
Alors qu’elle est stigmatisée, au sein des groupes minorisés.
Elle est parfois valorisée comme si elle dévoilait une profondeur cachée, une sagesse supérieure ou du génie mais uniquement lorsqu’il s’agit d’homme blanc cisgenre, hétéro riche ou reconnu socialement.
Troubles mentaux ≠ Folie
Il faut différencier les troubles et les maladies mentales de la folie.
Les maladies et les troubles mentaux sont des “réalités” scientifiques et médicales qui servent au diagnostic.
Alors que la folie est une construction sociale, qui se mesure selon l’irrespect plus ou moins marqué des codes sociaux dominants.
On peut être considéré.e comme fou.olle et n’avoir aucuns problèmes psychologiques.
Et inversement, on peut avoir des problèmes psychologiques et ne pas être considéré.e comme fou.olle.
Par exemple, les homosexuels / transgenres / lesbiennes / féministes / colonisé.es / handicapé.es / gros.ses / racisé.es… sont selon l’époque, le lieu, le climat social et politique considéré.es comme inadapté.es, anorma.ux.les, fou.olles.
Qui sont les fou.olles ?
La folie est une idée qui évolue au fil du temps, qui se façonne au contact de l’environnement social et politique, tout comme la race et le genre.
Ainsi certains groupes de personnes sont fou.olles selon les époques ou le pays où iels se trouvent :
Pendant longtemps les sourd.es étaient interné.es dans des instituts psychiatriques car considérés.es comme déficient.es intellectuellement et incapables de s’intégrer socialement.
Pour de nombreu.x.ses autistes et personnes neuroatypiques la même chose est toujours d’actualité.
L’hystérie, aussi appelée “maladie de l’utérus”, a longtemps été diagnostiquée comme une névrose chez des fxmmes dont les comportements ne correspondaient pas à ce que la société patriarcale attendait d’elleux, et concernant donc souvent les féministes, les lesbiennes ou les hommes transgenres. Elle ne sera retirée de la classification internationale des maladies qu’en 1952.
Les fou.olles sont toujours les margina.ux.les, celleux qui vivent, s’expriment, se comportent différemment de ce que le système attend d’elleux.
Durant l’époque coloniale, les colonisé.es accusé.es de perturber « l’ordre public colonial » se retrouvaient si ce n’est en prison, interné.es au sein d’asiles coloniaux qui virent le jour dès le début du XIX e siècle, avec l’essor institutionnel de la psychiatrie coloniale.
Alors que l’OMS n’a dépsychiatrisé l’homosexualité qu’en 1990, il faudra attendre le 1er janvier 2022 pour que la transidentité ne soit plus considérée comme une pathologie mentale dans la classification internationale des maladies.
Catégoriser pour mieux stigmatiser
L’utilisation de termes de la même famille que le mot folie est un moyen de catégoriser et donc de stigmatiser davantage les populations déjà oppressées.
Les mots hystériques, sauvages, assisté.es, mongolien.nes, zoulou.es, incivilisé.es, sourdingues, malades , bêtes, teubé.es, idiot.es, attardé.es… sont autant de synonymes du mot fou.olles qui cachent à peine le sexisme, le colonialisme, le classisme, le racisme, le validisme, l’âgisme et le spécisme qui en sont à l’origine.
Ces mots sont des étiquettes posées sur des individu.es à partir desquels se construisent progressivement des catégories de plus en plus différenciables et donc stigmatisables.
Et ces termes psychophobes nourrissent les oppressions systémiques.
Toutefois la réappropriation par certain.es de ces termes qui visaient à les oppresser peut être un moyen d’émancipation.
La psychophobie : moyen d’oppression extrême
Dans le paradigme psychophobe : une personne classifiée comme folle ne peut pas prendre de décisions censées, une certaine forme d’autorité se doit donc de décider pour elle.
La folie prétendue de certains groupes permet de justifier la colonisation, l’esclavage, le sexisme, la transphobie, le racisme…
Ainsi, les colonisé.es n’étaient pas assez civilisé.es pour s’occuper elleux-même de la politique et de l’économie de leurs pays.
Les femmes pas assez équilibré.es pour voter, acquérir l’autonomie corporelle, avoir des postes à responsabilités ou être crues au sujet des violences sexuelles qu’elles auraient subies.
Les personnes transgenres pas assez stables ou rationnel.les pour transitionner sans l’avis d’un.e psychiatre (et sans l’accord parental pour les mineur.es), fonder une famille ou changer de nom ou d’état civil sans passer par de multiples procédures…
Les enfants intersexes pas assez matures pour que l’on respecte leur droit à l’autodétermination et leur intégrité physique.
Sous prétexte de vouloir conserver un certain ordre social et à force de pathologisation, on retire à toute une partie de la population l’accès à l’autonomie corporelle et l’autodétermination, (justice reproductrice, traitement hormonal, soins, accès à l’information, intégrité physique, mariage pour toustes, éducation…) alors même que ce sont les fondements de tout droits humains.
Et bien plus grave, on retire aux fou.olles leurs libertés individuelles avec des mesures de privations de libertés :
Emprisonnement, astreinte à résidence, interdiction de se déplacer, hospitalisation sans consentement, stérilisations, interdiction du droit de vote etc…
Sources :
1) « La surdité, quelle histoire ! » Christophe Dodier Surdité et santé mentale (2013), pages 45 à 50
2) « Histoire de l’hystérie, cette excuse pour contrôler les femmes » Elise Lambin, rédactrice Feminists in the City (Mai 2021)
3) René Collignon, « La psychiatrie coloniale française en Algérie et au Sénégal : esquisse d’une historisation comparative », Revue Tiers Monde, 2006 (n° 187), p. 527-546.
4 ) “Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans.” solidarites-sante.gouv.fr (Janvier 2022)
Kaina Djaé
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