La crise maniaque : peut-on éviter les urgences et rester chez soi ?

Si je pose la question, et que j’écris cet article, la réponse est oui.
4 crises maniaques/bouffées délirantes/épisodes psychotiques, 4 fois sans passer par la case urgences.
Je ne réussis PAS à éviter la crise maniaque. Elle s’impose à moi quand je ne me respecte pas et quand je ne m’écoute pas. Et que je ne respecte pas mes limites. Quand ma prévention n’a pas été assez bonne et les signes avant-coureurs n’ont pas été détectés à temps. Ou que j’ai voulu jouer avec le feu. Rappelle-toi qu’il vaut mieux éteindre l’incendie de l’euphorie, plutôt que perdre encore 6 mois, 1 an de ta vie une fois que ton cerveau est brûlé, en cendres, avec dépression à la clé. Ne joue pas avec ta santé, et ta vie. Rend-toi la vie douce, et heureuse. Elle l’est, sans être en exaltation.
Je ne me substitue pas à l’avis du corps médical, contactez votre psychiatre si vous vous sentez « en montée ».
Suis-je CONTRE l’hospitalisation d’urgence ? Non, je ne suis pas contre. Parfois il est trop tard, donc je dirai oui sans doute, mais je demanderai à ce qu’on respecte mon consentement, sauf si je suis en situation de danger pour moi-même, ou plus assez consciente pour faire le bon choix. Mais je sais à qui j’autorise de le faire, et on viendra me chercher à temps. Si je suis mal « traitée » aux urgences et à l’hôpital, j’irai dénoncer les pratiques. Je saurais dire le bon, également, et remercier le corps soignant.
Ais-je toujours évité les urgences après une crise maniaque ? Oui. Mais les circonstances, les lieux, et l’entourage ont fait que j’ai pu. La chance diront certains. Mon comportement docile aussi. J’ai toujours accepté la médication d’urgence, et la médication tout court. Il n’y a que dans ma récente bouffée délirante que j’ai pu la calmer à la maison, et donc à avoir des clés, qui je l’espère, pourront-vous ouvrir des portes. En tout cas, pas celles de l’enfermement. Une fenêtre thérapeutique pour vivre votre montée, et redescendre, en douceur, à la maison.
Pourquoi souhaites-je éviter les urgences ? Parce qu’aujourd’hui, la réponse en France de la psychiatrie n’est pas adaptée, pire, elle est odieuse, et je la dénonce. Elle devrait être ce que j’ai eu la chance d’avoir, la même réponse : humanité.
Entendre les discours de mes pairs bipolaires et mes cousins schizophrènes me donne froid dans le dos sur comment sont gérées les crises psychotiques. Nous sommes capitonnés entre 4 murs en isolement total, attachés à un lit, hurlant à la mort, sans comprendre ce qui se passe, camisole chimique, sans explication. Et surtout : aucun contact humain des soignants au départ, le moment où on en a le plus besoin. Aucune douceur, aucune parole. Honteux en 2022. Et sûrement mille fois pire que ce que j’imagine.
Qu’est-ce que tu vas nous raconter alors, ta life ? Si tu veux savoir, lis bien tout, et surtout, jusqu’à la fin de l’article. Je dis souvent le plus important à la fin.
Genre, tu te crois une super héroïne, qu’on va te médailler, parce que tu as évité les urgences ? Pas du tout, j’écris pour deux raisons : aider mes prochains à pouvoir rester chez eux, et réveiller le monde de la psychiatrie française. De plus, mon « stay at home » repose aussi majoritairement sur mon entourage et le corps soignant, en aucun cas, seule, je n’aurais réussi. Un jour, quand je serai solide, je me montrerai, quand j’aurais, j’espère, la phrase à vous dire « bipolaire, et heureux ».
Du coup, tu es bipolaire, mais pas heureuse ? Eh bien si, je plaisante, je le suis déjà, heureuse. Et malgré mon épisode délirant très récent, je me déclare comme stable. J’ai déjà une toute autre vision de la stabilité. Mais ça, d’autres articles viendront. *Suspense insoutenable*
Est-ce que tu refuses la médication ? Pas du tout, je suis médicamentée depuis 8 ans, depuis mon diagnostic de bipolarité de type 1. J’ai tenté 15 jours d’arrêter mon traitement, non merci, et surtout, aucune envie de revivre mes années sans médications, soit un total de 7 ans. Ma bipolarité s’est déclenchée à 17 ans, et j’ai été diagnostiquée à 24 ans. J’en ai 32 aujourd’hui. Et si je dois m’abrutir de médicaments, je m’abrutis de médicaments pour rester chez MOI !
Allez, dis-nous tout maintenant, on veut savoir ! Comment t’as fait ? Ceci n’est que mon expérience personnelle, cela évolue, et je ne serai jamais à l’abri de faire un détour aux urgences. Prend mes principes comme des conseils tirés de mon vécu. Si toi-même tu te sens défaillir à l’instant, aie-confiance en toi, et lis et relis cet article en « si besoin ». Je ne peux apporter qu’un petit bout de moi-même.
Plongeons dans ma dernière bouffée délirante… et comment je suis restée chez moi, avec certains principes que j’ai appris. Dis-moi en commentaire si tu veux mon vécu personnel de chacun de ces principes.
LES PRINCIPES POUR RESTER CHEZ SOI EN DÉBUT/MILIEU DE BOUFFÉE DÉLIRANTE/CRISE MANIAQUE/ÉPISODE PSYCHOTIQUE AIGU
TON SOMMEIL, LE PLUS IMPORTANT, TU SURVEILLERAS
TON PSYCHIATRE, LE PLUS SOUVENT POSSIBLE, TU APPELLERAS
LES MEDICAMENTS, RAPIDEMENT, TU ADAPTERAS
TON ENTOURAGE, LE PLUS RAPIDEMENT POSSIBLE, TU PREVIENDRAS
TA PLEINE CONSCIENCE, QUOI QU’IL ARRIVE, TU GARDERAS
LA CONFIANCE EN TOI, TU CONSERVERAS
TA CREATIVITE, TU CANALISERAS ET DEVELOPPERAS
TON ALIMENTATION, TU SOIGNERAS
LES MOYENS ALTERNATIFS, TU ESSAIERAS
TES EMOTIONS, TU LES DIRAS
LE DECOURAGEMENT, LE DESESPOIR, TU ASSUMERAS
COUPER LES STIMULATIONS, TU TE DÉPÊCHERAS
LES ÉVÉNEMENTS TROP ÉMOTIONNELS, LES STRESSEURS, TU ÉVITERAS
L’ARRÊT MALADIE, TU DEMANDERAS
L’INFIRMIERE A DOMICILE, TU CONTACTERAS
UN JOURNAL DE BORD, TU TIENDRAS
AVOIR DES PROCHES QUI TE SOUTIENNENT, QUI NE TE CONSIDERENT PAS COMME UN SYMPTÔME, UNE ÉCOUTE BIENVEILLANTE, TU CHOISIRAS
TON TÉLÉPHONE, LE PLUS POSSIBLE, TU ÉTEINDRAS
INTERNET, LE PLUS POSSIBLE, TU ÉLOIGNERAS
LE CONTACT AVEC LES GENS, TU LIMITERAS
UNE EXCUSE : TU ES MALADE, UNE BONNE LONGUE GRIPPE, TU INVENTERAS
HONTEUX, TU NE SERAS PAS
TE CONSIDÉRER COMME UN SYMPTÔME VIVANT, TU T’INTERDIRAS
LE TROUBLE BIPOLAIRE, TU NE LE NIERAS PAS
L’ESCALADE DE LA MONTÉE, TU OBSERVERAS
TOUS LES JOURS, TOUTES LES MINUTES, TU T’ÉVALUERAS
A TON ENTOURAGE, LES PERSONNES RESSOURCES, TON CONSENTEMENT POUR HOSPITALISATION, TU CHOISIRAS
TES MEDICAMENTS, AVEC SES EFFETS SECONDAIRES, TU CONNAITRAS SUR LE BOUT DES DOIGTS
LES TÂCHES DU QUOTIDIEN, TU DÉLEGUERAS : ASSISTANCE SOCIALE, EDUCATEURS SPECIALISÉS, ENTOURAGE…
LES MOMENTS PLAISIRS, TU CONSERVERAS
DES MOMENTS DE CALME, DANS LE LIT, DANS LE NOIR, TU T’IMPOSERAS
TON EMPLOI DU TEMPS, TU L’AMENAGERAS
LA MUSIQUE DOUCE, T’AIDERAS
PLEURER UN MAXIMUM, TU ESSAIERAS
TES PERSONNES RESSOURCES, TU TROUVERAS
LES HALLUCINATIONS, TU ACCUEILLERAS
LE NON-JUGEMENT ENVERS TOI, TU T’ACCORDERAS
SEUL, DEHORS, AU DEBUT, TU NE SORTIRAS PAS
DE LA DOUCEUR, DE LA BIENVEILLANCE, AVANT TOUT, ACCORDES-TOI
Et sans doute d’autres que j’ai oubliés.
Pour ceux qui se sont accrochés jusqu’au bout, c’est en respectant et en appliquant ces principes que j’ai réussi à rester chez moi dans mon dernier épisode aigu psychotique, et comment j’ai fait pour revenir à ma « stabilité » sans être hospitalisée. Quand je dis épisode psychotique aigu, j’ai revisité tous les thèmes de mes précédentes crises maniaques. D’ailleurs, ça faisait 8 ans que Dieu ne m’avait pas parlé ( je suis agnostique, non-baptisée ).
Le chemin a été long, périlleux, douloureux car j’ai appris sur le tas. J’ai essayé de me souvenir de tout ce qui m’avait calmé. J’en ressors fortifiée et pleine de confiance, et de nouvelles préventions et principes « fait-maison » à m’appliquer si cela se reproduit. J’en apprends encore tous les jours. Le chemin a aussi été doux, grâce à mes « personnes ressources ». La suite dans un prochain article, si tu le souhaites. Courage, aies-confiance en toi, affronte tes peurs, traverse les phases avec confiance, douceur et indulgence, tu es maître de ton navire, capitaine ton esprit, le patron de ta conscience. Navigue au travers de la cascade de ta crise créative, sans avoir peur de ce que tu vois/entend. C’est TEMPORAIRE.
P.S : Pour aider mes proches à m’accueillir telle que j’étais, j’ai écrit ce « guide » afin que ta famille et ton entourage puissent te regarder tel que tu es, parfaitement « normal » : https://commedesfous.com/guide-famille-pour-son-proche-en-crise-maniaque/
Affectueusement, et patience et espoir comme dirait un ami,
Lucie.
Lise B.
21 décembre 2021 chez 11 h 19 minPeut-être que je me trompe, mais est-ce que par hasard tu es L. qui avait un blog il y a quelques années ? (si ça se trouve pas du tout… si oui, je le lisais assidûment)
Lucie (ou bien L..) ;-)
21 décembre 2021 chez 12 h 19 minSalut c’est bien moi ! J’espère que mes articles t’ont aidé à l’époque ? Je reviens écrire en espérant aider de nouveau. Contente de savoir que tu me lisais ! Enchantée de nouveau !
L.
Lise B
21 décembre 2021 chez 18 h 19 minHehe c’est marrant parce que je t’ai reconnue à la pâte de l’écriture 🙂 Comme quoi !
Et oui c’est sympa de te retrouver là, ça m’avait bien aidée en effet. Je n’étais pas exactement dans la même situation mais je sentais le déséquilibre profond commencer à s’installer. Ton blog, celui de W. et quelques autres ont bien aidé mon moral à s’accrocher pour les turbulences qui allaient suivre. Et à déjà me préparer à affronter « l’univers psychiatrique », son jargon, ses dogmes… J’ai pas mal de recul sur tout ça aujourd’hui, en grande partie grâce à ces blogs.
Contente de voir que tu tiens toujours la barre, et hâte de te lire davantage.
Lucie
8 janvier 2022 chez 10 h 48 minSalut c’est aussi le blog de W. et la communauté créée autour qui m’a permise de vite comprendre, m’adapter, prendre les enseignements qu’il avait déjà acquis et transmis via ses écrits. Encore aujourd’hui je suis en contact avec ces personnes, et eee nouvelleds, qui poursuivent ce chemin de vie, avec de nouvelles réflexions sur la bipolarité grâce aux années qui sont passées. Avec plaisir de te retrouver en tant que lectrice, et pourquoi ne pas écrire aussi ? Tu as sans doute beaucoup à partager. Et être dans ces nouvelles associations comme ce blog qui continuent de changer mon regard. Au plaisir !