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23 août 2024

Troubles psychiques : le travail c’est la santé vous dites ? [lucie_ptit_lu]

trouble psychique travail

« Tu me vois comment plus tard ? »  
« Oh, comme une vieille folle, à écrire devant ton ordi. »

LE TRAVAIL C’EST LA SANTÉ ?

Plus que tout, quand on a un trouble psychique, il y a une nécessité d’un cadre et d’une bonne hygiène de vie. Les horaires habituels de travail donnent ce cadre, et fatiguent assez pour se coucher tôt le soir. Les repas sont rythmés, la vie sociale aussi, et surtout, on a un rôle dans la société.

J’ai un trouble psychique, OUI, MAIS JE TRAVAILLE.

Il y a des adaptations aussi : RQTH, mi-temps thérapeutiques, ESAT, et j’en passe. Il y a l’argent aussi, on ne néglige pas ! L’argent ne fait pas le bonheur, mais si l’on mange à sa faim, c’est toujours mieux ! Travailler c’est ne pas être mis au ban de la société. Et certains arrivent à s’épanouir dans leurs métiers, chacun sa mesure.

LE TRAVAIL C’EST LA SANTÉ, OU PAS

Ou pas… Même hors trouble psychique, qui n’a jamais été confronté à un burn-out ? À un management horrible ? À des tâches ingrates ? À des équipes malveillantes ? À un surplus de travail ? À l’incapacité de nouer des liens avec les autres ? A-t-on pu aussi réellement travailler dans ce que nous voulions, diplômes et compétences à la main ?

Le travail rend aussi malade.

Avec un trouble psychique, on doit se poser des questions : dois-je en parler aux autres ? Dois-je mentir ? Dois-je proposer ma RQTH au supérieur ? Que faire quand je n’irai pas bien, mentir encore ? Comment mes collègues vont-ils prendre la nouvelle ? Et c’est l’enfer de la spirale des questions infinies, et les réponses sont uniquement personnelles et adaptées à chacun… Et les conséquences peuvent parfois nous être défavorables et irrémédiables.

LE VILAIN PETIT CANARD

Puis il y a les gens comme moi, qui ne travaillent pas, et vivent de l’AAH ( allocation aux adultes handicapés ) qui est bien en dessous du seuil de pauvreté.

Déjà, si l’on peut se sentir un vilain petit canard, car on nous stigmatise, on peut aussi s’autostigmatiser. Alors je me sens le plus vilain des petits canards.

J’ai honte. Je mens. Je laisse espérer à mes proches  » qu’un jour, je travaillerai « , mais je n’en sais foutrement rien. L’âge avance, j’ai 34 ans, des trous dans mon CV, un parcours semé de beaux diplômes, et de petits boulots, mais sans grande cohérence. Je suis le vilain petit canard qui se cache, et qui se sourit à lui-même, pour mieux se mentir dans sa souffrance. Je me sens exclue de la société. À la question tu fais quoi dans la vie ? Je ne peux répondre que  » je ne travaille pas « . AH, OK. Sous-entendu, bon, on n’aura aucun sujet de discussion alors.

LE TROUBLE PSYCHIQUE, RÉELLEMENT ?

J’ai réfléchi sur mon parcours professionnel et comment le trouble l’a impacté. Really, je ne suis pas capable de travailler ?

Alors j’ai listé : harcèlement physique, harcèlement moral, harcèlement sexuel. Escroquerie de grande envergure.

Un manque de compétences ? Bardée de diplômes, de compétences, j’ai toujours travaillé 10 fois plus que les autres, avec un perfectionnisme me rendant malade, cachant un immense manque de confiance en moi. Et certains patronn.es repèrent les bonnes poires comme moi, et leur rajoutent du taf en plus. Les collègues ? Les quoi ? Je me suis toujours demandé pourquoi on s’attaquait si violemment à moi. Une anecdote, la première fois qu’on me virait de mon boulot. Alors que je sanglotais en me bourrant la gueule dans un bar, bien cachée dans un coin, sur des escaliers dans la pénombre, une de mes collègues hyper sympas vient m’accoster, tout aussi éméchée.

— Lucie, je te dois la vérité, ça ne va pas te faire plaisir. En fait le premier jour de ton arrivée, je suis désolée, j’ai monté toute l’équipe contre toi ( ndrl : 100 personnes ). Pourquoi ? Parce que tu avais confiance en toi, et moi non, j’étais jalouse. Je voulais être comme toi. Et je suis désolée, parce qu’en plus t’es hyper cool. Mais je ne vais pas te mentir, à refaire, je le referai.

Je l’ai remerciée, pour une fois, on venait me dire par soi-même ce que j’avais entendu toute ma vie comme excuse à la malveillance à mon encontre. Cette fausse confiance en moi, essayant d’être la plus sympa et aidante possible envers mes collègues. Alors j’ai décidé d’avoir une aventure d’un soir, de vomir partout juste après, et j’ai signé ma démission devant la RH, mon vomi séché sur mon sac. C’est une réalité de certaines personnes comme moi, qui ne travaillent plus. Ce sont les traumas qui aggravent mon trouble et me handicapent au travail. Je ne travaille pas en conséquence de l’environnement du travail, et non en cause du handicap.

J’adoucis. Sur mon parcours de formation et de travail, j’ai rencontré ce que j’ai appelé mes « anges », collègues, ou managers. Certains sont devenus mes amis. Ces personnes vaillantes, prêtes à se fourvoyer pour défendre le petit canard fragile, la proie gentille et docile que j’étais, par un cruel manque de confiance en moi, et la pression que je me mettais à travailler encore plus, car j’ai un trouble psychique, et l’énergie folle dépensée à le masquer.

JE NE TRAVAILLE PLUS

Mon trouble bipolaire n’est pas stabilisé alors je ne peux plus travailler. Mais c’est parce que j’ai des traumas à dépasser, parce que j’ai des schémas de pensées à changer, comme celui de l’autostigmatisation. Après tout, j’emmerde qui, de ne pas travailler ? Le regard de mes proches, la société ? Il faut que je m’en libère, absolument, et vite, et j’y travaille tous les jours. C’est ça mon vrai travail, le travail sur moi.

THE WIND OF CHANGE

On ne va pas mettre mémé dans les orties avant les bœufs. Ai-je vraiment envie de travailler dans ces mêmes conditions ? Et dans quoi ? Avec qui ? L’autoentrepreneuriat se dessine. Mais je ne sais pas dessiner. C’est trop tôt. Alors tout ce qui me fait vibrer aujourd’hui, c’est l’écriture. J’ai le droit d’avoir ma place dans la société, sans être jugée, moquée, où inspirer de la pitié. Ça fait 16 ans que j’ai honte de mon parcours scolaire et professionnel, il est temps que cela cesse. Si un jour je veux vraiment retravailler, il faudra que je me change, MOI : mon attitude face aux tâches, mon attitude face aux collègues, aux patronn.es, la gestion de mes émotions, mon équilibre vie privée/travail, etc. Aujourd’hui, si je repère une personne voulant s’attaquer à moi, je l’écrabouille comme un insecte entre mes doigts sans pitié jusqu’à ce que le jus en sorte. Oui, c’est la nouvelle dark Lucie.

MOURIR OU TRAVAILLER ?

Un jour sans le savoir, j’ai appelé le grand Patron à mes côtés, et je crois qu’il m’a entendu pleurer. Je travaillais en restauration. A ma pause, entre deux lampées d’alcool, je buvais assise au rebord de la fenêtre, me demandant si je devais sauter ou non. Mais non, j’ai essuyé mes larmes pour retourner travailler, et sourire, parce que c’est ce qu’on essayait de m’enlever. Et malgré ma honte, ma peine, ma fatigue, ma colère, je garde toujours le sourire. J’espère vous avoir partagé un peu de ma réflexion, même hors troubles psychiques, je pense à ces artistes au RSA, ces gens sans ou avec des troubles psychiques au chômage, ceux qui ont une pension invalidité, etc.

Je n’ai plus qu’une chose à vous dire :

VOUS AVEZ LA VALEUR D’ÊTRE VOUS AVEC OU SANS TRAVAIL, ET MOI, JE VOUS AIME COMME ÇA.

lucie_ptit_lu


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One Comment on “Troubles psychiques : le travail c’est la santé vous dites ? [lucie_ptit_lu]

makhaiski
19 octobre 2025 chez 15 h 59 min

Bonjour Lucie Ptit Lu,

J’ai lu ton texte et il m’a fait penser à ma propre expérience, celle du refus du travail après avoir commencé ma vie d’adulte à 16 ans, dans la rue ( ma mère m’avait jeté à la rue et ma soeur cadette avait été placée à l’ASE ).

Ce que je pense de ce refus c’est qu’il a été engendré par tout ce que le travail, l’exploitation, refusait chez moi. Descolarisé à 16 ans, dans une situation d’urgence permanente pour survivre au jour le jour, j’ai enchaîné les petits boulots durs et mal payés, pendant des années, jusqu’à mes 25 ans. Âge où je me suis inscrit au RMI, ce qui a été un vrai plus pour moi ( enfin un revenu stable, sans devoir se plier à des relations ). Pendant toutes ces années, j’étais aussi sans domicile fixe, dormant à la rue, ou chez des particuliers ou dans des squats. Bref, je suis arrivé à trente ans, bien fatigué et très en colère.

Aujourd’hui j’ai 55 ans, je suis toujours allocataire du RSA ( mes demandes AAH refusées ), et je vis dans un HLM du 20ème arrondissement de Paris. J’ai perdu mes deux soeurs en 2016 et 2023, atteintes de la maladie de Huntington. La maladie de Huntington et l’accompagnement en fin de vie de ma soeur cadette, très difficile sur le plan matériel, m’ont considérablement isolé socialement et affectivement, je n’avais aucun soutien moral sérieux et pas de famille. J’ai perdu beaucoup de force et de désir, après le décès de la cadette, et cela s’est renforcé, après celui de l’ainée.

Je ne sors que très rarement, j’ai pris 30 kg depuis 2012, année du début de l’accompagnement de ma soeur cadette en fin de vie. Je n’ai aucun but, ni désir. Je ne vois pratiquement plus personne, et faire de nouvelles rencontres me bouleverse tant, que je préfère ne pas.

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