La longue histoire de l’intervention du juge dans les hospitalisations forcées
Merci à Virginie pour cette contribution!
1789 :
– abolition des lettres de cachet qui étaient utilisées pour faire enfermer les « déments ».
– cette abolition est relative : si toute personne détenue par lettre de cachet doit être libérée, exception est faite pour les déments, qui ne sont libérables que sur production d’un certificat médical…
Le droit révolutionnaire prévoit que le juge doit désormais prononcer une mesure d’interdiction qui autorise le conseil de famille à maintenir la personne dans un hospice ou une maison de santé.
Les médecins aliénistes estiment que ce dispositif d’interdiction est trop difficile à utiliser et obtiennent une loi alternative, la loi de 1838.
En amont de la loi de 1838, un débat important autour de la place du juge a lieu entre médecins aliénistes. Certains défendent le maintien de la place du juge comme gardien des libertés individuelles, et d’autres, comme Esquirol, préfèrent que le pouvoir de décision revienne à une entité médico-administrative. Esquirol l’emporte.
La contestation de la loi de 1838 connaît une première phase dans l’après-guerre. Elle est d’abord portée par les psychiatres eux-mêmes.
Une commission composée de psychiatres réformateurs a pour mission de réviser le code civil et la loi de 1838, en répondant au souci de protection tant de ses biens que de ses libertés.
Cette commission décide de dissocier ce qui jusqu’alors était pensé comme imbriqué et articulé, à savoir ce qui relève de la protection des biens et ce qui relève de la protection de la liberté individuelle.
Cette dissociation va conduire le législateur à élaborer deux lois distinctes.
La première est la loi de 1968, qui crée le juge des tutelles, doté avant tout d’un pouvoir sur les biens des personnes.
La commission, notamment à cause des événements de 1968, remet à plus tard la seconde loi, qui devait traiter de l’hospitalisation sans consentement.
Pendant 150 ans, le débat sur la place du juge a continué. Plusieurs propositions de loi qui accordaient une place plus importante au juge, n’ont pas abouti, notamment du fait de la réticence conjuguée du syndicat des psychiatres hospitaliers et de l’administration hospitalière.
Le changement est venu du conseil constitutionnel en 2010. L’absence de contrôle du juge sur des détentions de plus de quinze jours a été déclarée inconstitutionnelle. Le législateur a dû agir dans l’urgence, en introduisant l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention, dans la loi de réforme des soins psychiatriques, qui faisait alors polémique.
Il faut souligner que depuis le milieu des années soixante-dix, des mouvement d’usagers, en particulier le Groupe Information Asiles (GIA), ont une politique systématique de contentieux.
Dans ce cadre, l’administration et les médecins ont notamment été obligés de donner connaissance des certificats médicaux et actes administratifs d’internement. Cette politique de contentieux a conduit à de nombreuses condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme. Le GIA s’est emparé de la réforme constitutionnelle (création la question prioritaire de constitutionnalité) pour faire déclarer anticonstitutionnelle la loi de 1990. Cette inconstitutionnalité a abouti à la Loi du 5 juillet 2011 : systématicité du regard judiciaire sur les hospitalisations sans consentement…