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4 juin 2022

Survivre à la psychiatrie #8

survivre à la psychiatrie iman

« Mon parcours psychiatrique a débuté à l’âge de 17 ans, en 1988. À cette époque, il n’existait aucune structure de soins pour les adolescents. J’ai donc été hospitalisée dans une clinique psychiatrique entourée d’adultes. Ce fût mon premier choc. J’étais en pleine dépression, j’avais fait une tentative de suicide suite au suicide de mon petit ami. Au sein de cette clinique, j’étais perdue et c’est une patiente qui est venue à moi. Mon accompagnement psy a été déplorable et j’ai même été abusée par le musicothérapeute. Je suis sortie 12 jours après à la demande de mes parents. À ma sortie j’ai affirmé à mes parents que « Les fous étaient dehors et non dedans ».

Entre deux hospitalisations, le généraliste me prescrivait du Temesta, je rechutais, de TS en TS, de deuils en deuils, j’ai perdu mes parents et des amis.

À 25 ans, nouvelle hospitalisation : aucun suivi de qualité, on me prescrit beaucoup trop de médicaments et c’est tout. Je suis shootée et désespérée.

Pendant 15 ans je refuserai tout traitement, je serai anti psychiatrie, je consulterai occasionnellement des psychologues jusqu’à ma dépression post partum qui a failli me coûter la vie suite à une TS. 5 jours de coma, longue hospitalisation, nouveau traitement, un suivi psy toujours aussi pauvre, j’en ressors sans avoir soigné ma dépression. On me prescrit du Tranxène et on m’oblige à cesser d’allaiter. Cette molécule va me désinhiber et me provoquer des phases maniaques.

Une véritable errance thérapeutique de plusieurs années renforcera l’alternance de phases maniaques et dépressives.

C’est à 41 ans, suite à une rupture que j’ ai fait une crise de décompensation. Mon entourage ne sachant pas gérer, j’ai demandé à être hospitalisée. Je suis restée 4 jours à pleurer toutes les larmes de mon corps, sans qu’aucun professionnel ne vienne vers moi. Là encore, ce sont les patients qui sont venus m’aider et me conseiller. J’ai enfin pu rencontrer le psychiatre qui a très vite posé le diagnostic de bipolarité-borderline. Mon 1er traitement m’a fait prendre 17 kgs et ne me convenait pas du tout. Je me suis sevrée seule et mes troubles sont réapparus. J’ai alterné entre suivi avec ce psychiatre et des périodes de 6 mois sans y aller, avec les conséquences de mes phases maniaques, des ruptures affectives essentiellement et d’autres hospitalisations.

À 46 ans, je rencontre l’homme qui m’accompagne aujourd’hui, il ne me juge pas et pour la première fois je décide de me soigner en acceptant un nouveau traitement et un suivi mensuel avec mon psychiatre. Je suis stabilisée depuis 6 ans.

J’ai suivi un programme thérapeutique d’un an qui m’a permis d’acquérir des outils de gestion de ma pathologie, psychoéducation mais aussi méditation, sophrologie, musicothérapie, auto-hypnose, ateliers de jeux collectifs et sport. Je ne me sers pas de tous ces outils quotidiennement mais lorsque j’en éprouve le besoin, je sais qu’ils sont à ma disposition. J’ai malgré tout un regard critique envers ces pratiques qui ne conviennent pas à tous les patients et qui peuvent les mettre sur le chemin des pseudos thérapies et de la spiritualité New Age.

Je considère aujourd’hui que j’ai subi de la maltraitance psychiatrique.

La psychothérapie que j’ai suivie pendant 6 ans m’a soutenue mais n’a jamais soigné ma pathologie.
J’ai perdu beaucoup d’années et d’énergie à errer, à souffrir, à ne pas être en capacité d’étudier, de travailler, à élever ma fille malgré tout du mieux que j’ai pu. Je me demande aujourd’hui comment j’ai réussi à traverser tout cela. Il faut une force incroyable et c’est sans aucun doute mon rôle de mère qui m’a fait tenir.

Oui, je peux dire que j’ai survécu à la psychiatrie. J’aurais préféré ne jamais avoir à prononcer cette phrase mais la réalité est qu’entre les années 90 et 2022, l’évolution de la psychiatrie a été bien trop lente et doit encore s’améliorer considérablement en terme de soins, de suivis, d’accessibilité à tous-tes. »

Imanbipolaireborderline.jimdofree.com


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